Florence Cassez libérée, retour sur une Année du Mexique annulée

Par Stefan Cornic · lejournaldesarts.fr

Le 28 janvier 2013 - 1223 mots

PARIS [28.01.13] – L’Année du Mexique en France en 2011 avait été annulée en raison des tensions diplomatiques entre les deux pays, conséquence directe de l’affaire Florence Cassez. Tour de France des annulations et re-programmations.

Après huit ans de prison au Mexique, la française Florence Cassez a été libérée mercredi 23 janvier 2013. Son retour en France marque la fin d’un drame personnel et met probablement un terme à un épisode houleux entre les deux pays.

En 2011, la France devait mettre à l’honneur le Mexique, comme elle le fait très régulièrement depuis quelques années pour promouvoir des cultures étrangères dans le cadre d’un soutien à la diversité culturelle. Le succès du Salon du Livre 2009, où Paris avait déjà mis à l’honneur le Mexique, promettait un bel avenir à cette manifestation où plus de 300 événements culturels étaient prévus dans toute la France afin de présenter au public français les différentes facettes de cette riche culture d’Amérique Centrale.

En février 2011, la Cour de cassation mexicaine rejette le recours déposé par les avocats de la française. Le Président Nicolas Sarkozy, se sentant désavoué, demande que cette Année du Mexique soit dédiée à Florence Cassez. Le ministère des Affaires étrangères mexicain décide alors d’annuler sa participation à l’évènement. De nombreuses expositions sont alors compromises, puisque le pays mis à l’honneur, dans le cadre de ces célébrations, fournit généralement les œuvres, et finance une grande partie de l’organisation des expositions, comme le transport.

Des expositions annulées à Paris et en province
L’un des premiers musées touchés, qui organisait l’une des expositions les plus emblématiques en région, est celui de Saint-Romain-le-Gal, au sud de Lyon, qui se voit obligé de démonter l’exposition sur « Les cultures antiques de Veracruz » prévue du 18 février au 28 août 2011. Tout le travail de préparation, avec les partenaires mexicains, avait été réalisé, environ 200 objets étaient présents. Aucun visiteur n’a pu voir les œuvres présentées pour la première fois en Europe, pour nombre d’entre elles. Le musée doit alors trouver une solution de secours, peu coûteuse face à cette situation de dernière minute et également en raison des frais déjà engagés à perte pour cette exposition annulée, qui laisse une case de programmation vide. Il décide alors de présenter un ensemble de mosaïques syriennes, destiné à rejoindre son espace de présentation pérenne, dans la nouvelle aile du département islamique du Louvre.

Une autre exposition très attendue en province, « Diego Rivera, de Mexico au Paris des cubistes », devait être présentée au Musée des beaux-arts de Bordeaux. L’exposition co-organisée avec l’institut mexicain Promexico, devait accueillir 18 œuvres du célèbre peintre, pour la plupart jamais présentées en France. Le musée bordelais, qui avait pris en charge la réalisation du catalogue, change d’approche en éditant un livre sur la thématique, intitulé « Diego Rivera, les années cubistes ».

Toutefois, les frontières géopolitiques actuelles ne correspondent évidemment pas à celles des cultures anciennes. Le musée du Quai Branly qui avait prévu une exposition sur la culture Maya n’a rencontré aucun problème pour mener à terme son projet, contrairement à la Pinacothèque de Paris. Grâce à 150 objets en provenance du Musée national d’archéologie et d’ethnologie du Guatemala, qui n’était naturellement pas concerné par la brouille diplomatique, l’exposition fut un succès avec 219 333 visiteurs.

La ville de Lille, par la voix de Martine Aubry, avait été l’une des premières à annoncer son boycott de l’Année du Mexique. La première secrétaire du Parti socialiste d’alors, avait demandé l’annulation de l’exposition d’estampes mexicaines organisée à Lille, « Drôles d’estampes ». Celle-ci avait toutefois était maintenue, sans le label Année du Mexique. Martine Aubry avait précisé que cette manifestation possédait « une identité forte et un financement propre qui lui permettent d'exister en dehors » du cadre de ces célébrations.

Ce fut également la position adoptée par les Rencontres photographiques d’Arles, qui se sont tenues normalement de juillet à septembre, en maintenant l’essentiel de leur programme mexicain. Parmi les douze expositions prévues autour du Mexique, une seule, la plus ambitieuse, ne pouvait pas être assurée. Le problème principal concernait le financement. Le Président et le directeur des Rencontres s’étaient entretenus avec l’ambassadeur du Mexique qui leur avait confirmé l’absence de contribution (espérée à hauteur de 350 000 euros), mais avait ajouté qu’en revanche, il n’y aurait pas de pression sur les artistes mexicains ou les institutions privées qui y participeraient. L’institut français, organisateur de l’Année du Mexique pour le compte du ministère des Affaires étrangères, les a alors aidés, parallèlement à d’autres organismes privés et publics. La création contemporaine du Mexique a ainsi pu être présentée aux côtés d’images de la révolution, ainsi que de la « valise mexicaine » de Robert Capa, Gerda Taro et Chim, retrouvée au Mexique en 2007, et contenant près de 4 500 négatifs sur la guerre d’Espagne.

A Paris, la Cinémathèque française a elle aussi voulu maintenir son cycle sur l’Age d’or des mélodrames mexicains. « Il aurait été vraiment dommage d’abandonner un projet pour lequel tout le travail préparatoire était achevé », avait déclaré Jean-François Rauger, directeur de la programmation de la Cinémathèque. Pour ce faire, il avait également dû s’adapter au changement de régime concernant le financement : « Au départ, l’ensemble des frais liés à ce cycle devaient être pris en charge par les autorités mexicaines, c’est-à-dire les copies, le transport et la rémunération des ayants droit. Nous avons donc demandé à nos deux principaux partenaires, la filmothèque de l’Unam (Université nationale autonome de Mexico) et la Cinémathèque nationale de Mexico de bien vouloir nous prêter 30 sur les 40 films que nous avions sélectionnés. Ils ont accepté, à condition évidemment que le label Année du Mexique soit retiré et que, logiquement, nous prenions l’ensemble des frais à notre charge. »

Sans le label Année du Mexique, certains ont donc pu maintenir leurs événements, non sans une certaine inquiètude, et des complications financières, mais pour d’autres, cela n’a pas été réglé dans l’année.

Des re-programmations
Dès le 26 mai 2011, la France et le Mexique ont tenté de se rapprocher. Et pour la première fois depuis l’annulation officielle des festivités entre les deux pays, le deux chefs de la diplomatie, Patricia Espinosa et Alain Juppé, ont eu une réunion bilatérale dans un climat qualifié alors de « cordial ». Ce rapprochement était un signe d’espoir, et la promesse d’un réchauffement prochain des relations entre les deux pays.

Certaines institutions ont alors pu envisager la reprogrammation de leur exposition, dans un premier temps annulée.

La Pinacothèque de Paris, qui avait dû remballer son exposition à deux jours de l’ouverture, fait partie des institutions qui ont tout mis en œuvre pour arriver à cette fin. Un an après cet épidose fâcheux, de janvier à juin 2012, « Les masques de jade Mayas », en provenance du Mexique, étaient enfin dévoilés au public.

Preuve que les conséquences de cette annulation pèsent encore, la très attendue exposition du couple mexicain mythique, Frida Kahlo et Diego Rivera ouvrira ses portes au musée de l’Orangerie seulement le 9 octobre 2013. Initialement prévue en 2011, cette rétrospective est le résultat de la collaboration du musée de l’Orangerie avec le musée Dolorès Olmedo de Mexico.

Face à la rapidité de l’actualité géopolitique, les institutions culturelles ont montré, par différentes solutions adoptées, que le cycle long d’organisation d’expositions pouvait s’adapter, non sans y laisser quelques plumes.

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