La maison de ventes Lempertz lourdement condamnée dans l’affaire Beltracchi

Par Isabelle Spicer (Correspondante à Berlin) · lejournaldesarts.fr

Le 1 octobre 2012 - 546 mots

BERLIN (ALLEMAGNE) [01.10.12] – La maison de ventes allemande Lempertz a été condamnée à verser plus de deux millions d’euros de dommages et intérêts pour avoir vendu un faux Campendonk réalisé par Beltracchi. Une décision aussi spectaculaire qu’inattendue.

Sur qui doit porter la responsabilité de la fraude dans l’affaire Beltracchi, le vendeur ou l’acheteur ? Le tribunal du Land de Rhénanie du Nord – Westphalie a tranché le 28 septembre : la maison de ventes Lempertz, qui avait vendu un faux Campendonk à la société maltaise Trasteco pour la somme record de 2,9 millions d’euros, a été condamnée à verser à celle-ci un peu plus de deux millions d’euros de dommages et intérêts.

Lempertz avait déjà remboursé une partie de la somme, 800 000 euros, à la société maltaise. Avec cette condamnation, que la presse allemande qualifie de spectaculaire, la charge de la fraude incombe donc entièrement à la maison de ventes.

Déjà au moment du procès Beltracchi en octobre dernier, la Cour avait déclaré que le monde de l’art avait rendu la supercherie « incroyablement facile », et que « des contrôles sérieux n’avaient pas été opérés ». Wolfgang Beltracchi avait été condamné à six ans de prison, une peine considérée relativement clémente puisqu’il encourait jusqu’à dix ans de prison.

Le tribunal du Land de Rhénanie du Nord – Westphalie confirme sa sévérité envers les acteurs du marché de l’art, cette fois-ci dans le procès civil. Est reprochée à la maison de ventes Lempertz « une attribution de l’œuvre à Campendonk sans fondement crédible ». « Non seulement l’œuvre avait disparu depuis une décennie, mais il n’en existait plus de reproduction », énonce la décision de justice.

Lempertz avait basé son expertise sur l’avis de l’historienne de l’art Andrea Firmenich, auteur du catalogue raisonné de Campendonk. L’acheteur, la société Trasteco, avait découvert la supercherie suite à la découverte d’un pigment blanc de titane lors d’analyses de laboratoire, pigment qui n’existait pas à la date supposée de création de l’œuvre en 1914. Par la suite, l’étiquette de la galerie Flechtheim attestant de la provenance de l’œuvre, s’était avérée être un faux. Cette affaire est à l’origine du démantèlement du réseau de faussaire Beltracchi.

Cette affaire passionne la presse et l’opinion allemandes. Les producteurs Ulrich Lenze et Ulrich Limmer ont annoncé en juin dernier qu’un film consacré au faussaire serait sur les écrans dès 2013. Le mensuel allemand Art consacre son numéro d’octobre aux faussaires. René Allonge, enquêteur de police en charge de l’affaire Beltracchi, déclare que cela n’a pas servi de leçon aux acteurs du marché de l’art. Lorsqu’un faux est découvert par une maison de ventes, il n’est pas systématiquement signalé à la police : un refus poli est signifié au client potentiel, sous couvert de confidentialité. Ledit client n’a qu’à sonner à la prochaine porte, jusqu’à ce que l’œuvre soit acceptée. Pour preuve, Allonge enquête actuellement sur une affaire de faux d’une valeur de neuf millions d’euros. Il ne peut en dire plus à l’heure actuelle.

L’affaire Beltracchi ne s’arrête toutefois pas là puisque Lempertz va faire appel de cette décision. Il est probable que cette condamnation ouvre la boîte de Pandore et déclenche de nouveaux procès d’acheteurs lésés. De tels procès sont déjà en cours en France. Beltracchi a reconnu avoir écoulé plus de cinquante faux, pour une somme totale d’au moins seize millions d’euros.

Légende photo

Ce faux présenté comme peint par Heinrich Campendonk en 1914 sous le titre Rouge avec chevaux, est la toile qui a entraîné la perte des Beltracchi : vendue par Lempertz en 2006 pour 2,9 millions d'euros, une analyse physico-chimique a ensuite révélé dans sa composition l'utilisation d'un pigment inexistant en 1914...

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