Palais de la Bourse - Paris

Le dessin ancien : une source intarissable ?

Du 28 mars au 2 avril 2012

Par Dominique Vergnon · L'ŒIL

Le 22 mars 2012 - 842 mots

Au fur et à mesure qu’il entre dans les collections des musées, le dessin ancien disparaît peu à peu du marché. Une mécanique qui permet la redécouverte d’artistes oubliés ou relégués, et à l’histoire de l’art de poursuivre son travail.

L'ouverture progressive du Salon du dessin aux dessins modernes puis contemporains signifie-t-elle la disparition programmée du marché des dessins anciens ? Disparition, non ; diminution, oui. En tout cas, réduction significative de l’offre. Pour Hervé Aaron, le président du Salon : « Devant la raréfaction des œuvres, de l’ancien nous sommes passés au moderne. Mais il y a continuité dans la diversité. » Car un premier constat s’impose : si les collectionneurs peinent à se séparer de leurs dessins authentifiés, les collections des musées demeurent inaliénables et donc non cessibles sur le marché. Sans compter le fait, comme le souligne le marchand Matthieu de Bayser, que le dessin ancien constitue un domaine où « l’érudition » est un facteur essentiel, limitant de ce fait l’accès à des connaisseurs avertis et à leurs cercles. « Le dessin ancien se mérite ! »

Toujours de belles feuilles
Mais ce constat de raréfaction se double d’un autre qui en compense en partie les effets. Grâce notamment à la découverte de dessins oubliés ou relégués, le renouvellement existe. Ainsi, signées de noms a priori moins prestigieux, des pièces méconnues réservent des surprises de qualité, comme ces deux dessins à la plume et à l’encre brune de Baldassare Peruzzi (1481-1536), un élève de Raphaël, relatant les travaux d’Hercule (estimés 60 000 euros par la galerie Day and Faber). Le principe du dessin ancien rare et cher est donc à nuancer. Outre le nom lui-même, d’autres critères interviennent, comme l’état de conservation, la taille, la période d’exécution, la provenance, et ont un impact sur la valeur.
Certes, les manuscrits enluminés du Moyen Âge restent rares. Ils ont la faveur d’amateurs qui disposent de moyens. Une détrempe et or sur parchemin attribuée au Maître de Marie de Bourgogne, évoquant le Triomphe de David, page tirée d’un livre d’heures de 1480, est évaluée à 200 000 euros (galerie Les Enluminures).

Les XVIe et XVIIe siècles offrent un éventail déjà plus large, notamment grâce à l’apport italien. Ainsi Palma le Jeune (v. 1548-1628), ayant eu une production abondante, se situe à un niveau de prix abordable (entre 3 000 et 5 000 euros). Plus « volatil » est Giovanni Francesco Barbieri dit le Guerchin, dont on trouve encore des dessins intéressants, comme cet émouvant Mendiant coiffé d’un turban, exécuté à la plume, à l’encre brune et au lavis brun, datant de 1635 (estimé à 22 000 euros, galerie Artur Ramon).

Le XVIIIe reste bien représenté sur le marché, avec les signatures de Watteau, Boucher ou Fragonard dont on remarque un fougueux lavis de bistre et de pierre noire intitulé Alcine fuit dans une barque (est. 72 000 euros par la galerie Agnew’s). Dessinateur prolifique et inspiré, Tiepolo a un parcours plus contrasté. Si ses célèbres polichinelles, très recherchés, sont à des montants élevés, ce n’est pas le cas de nombre de ses autres dessins ou de certaines séries, comme celle mettant en scène les centaures.

Le travail des historiens
Le XIXe siècle est relativement abondant et les dessins circulent plus. Les écarts sont révélateurs des goûts et de la connaissance des amateurs. Le galeriste Thierry Normand explique que cette période fut « une pépinière de dessinateurs », mais que sur la centaine d’artistes connus, une dizaine surnage (Delacroix, Ingres, Millet, voire Chassériau) et a les faveurs du public. Les autres sont victimes d’une « injustice, comme Constantin Guys ou Théodore Rousseau, un grand paysagiste français qui n’a eu droit à aucune exposition depuis 1967 ; il est plus apprécié à l’étranger que chez nous. », continue le galeriste. La pression des modes intervenant, ils réapparaissent peu à peu. Des dessinateurs reviennent en force, d’autres demeurent plus stables. Témoin, cette délicate sanguine avec des touches de craie bleue, dite Étude anglaise, de Khnopff – très prisé sur le marché belge – (200 000 euros, galerie Stephen Ongpin), tandis que certaines aquarelles demeurent à des niveaux plus accessibles (E. Boudin, Les Voiliers dans la rade, 25 000 euros à la Galerie Terrades). Les dessins de Redon, de Magritte ou d’Ernst sont toujours bien considérés. Une galerie suisse présente une fine esquisse au crayon sur papier de Giacometti, Femme assise sur un banc (150 000 euros), où tout se dit et se lit en quelques traits magistraux. Ces noms servent en quelque sorte de relais et ouvrent sur les œuvres contemporaines.

Ainsi, en travaillant de concert, historiens d’art et marchands permettent des « retrouvailles importantes et requalifient des petits maîtres », dit le marchand Éric Coatalem, prenant l’exemple de François Perrier (1590-1650) ou de Michel Dorigny (1617-1665). Ambitionnant de « coupler culture et commerce », défendant sa « ligne » qui est de « faire du papier le seul médium transversal à travers le temps », le Salon du dessin de Paris défend une place unique face à la concurrence. Le défi est à nouveau relevé.

« Salon du dessin »

Du 28 mars au 2 avril 2012. Palais de la Bourse. Ouvert de 12 h à 20 h 30 sauf le lundi jusqu’à 20 h et le jeudi jusqu’à 22 h. Tarifs : 15 et 7,5 €. www.salondudessin.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Le dessin ancien : une source intarissable ?

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