Questions d'actu

Entretien : Serge Chaumier

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 20 mars 2012 - 616 mots

Devenu un sujet majeur depuis les années 1990 et la rédaction de l’Agenda 21, le développement durable a-t-il pénétré un monde des musées réputé conservateur ? Éléments de réponse…

L’œil : En quoi les musées sont-ils concernés par le développement durable ?
Serge Chaumier : Ils le sont comme toutes les institutions. Mais le musée a peut-être une responsabilité particulière car, historiquement, il est un lieu d’exemplarité, destiné à forger la conscience civique et citoyenne. Dans cette démarche de développement durable, il est toutefois possible d’identifier quatre axes : la conception architecturale du musée, l’écoconception des expositions, mais aussi le rapport du musée au public et la gestion en interne des établissements. Le terme de développement durable est en effet un peu fourre-tout. Les questions environnementales y sont importantes, mais elles sont loin de résumer toutes les préoccupations.

L’œil : Cela va-t-il à rebours du développement actuel des musées ?
S. C. : Cela va au contraire dans le sens de l’évolution actuelle du musée. Le rapport au savoir est en crise, et l’expert est remis en cause, ce qui amène à donner davantage la parole au public. Dans ce contexte, le musée peut aussi aider à repenser ce rapport. Il ne s’agit donc plus d’un schéma ascendant, mais d’un schéma démocratique. Cela nous conduit à devoir introduire d’autres modèles, notamment à rendre la parole aux publics. Il s’agit de passer de la logique des années 1990 où le public était considéré comme un client à celui d’un co-constructeur, dont l’avis serait davantage pris en compte dans les processus de décision. Mais cette logique collaborative n’existe encore que dans quelques gros établissements.

L’œil : Les outils techniques du musée prennent-il en compte ces préoccupations de développement durable ?
S. C. : C’est la question de l’empreinte écologique des musées. Sur ce sujet, il existe désormais des réflexions et des initiatives convergentes. Les schémas du passé ne sont plus forcément automatiques, et la question du coût énergétique est aussi prise en compte. Par exemple, en matière de climatisation des bâtiments, les choses sont en train de changer. Le musée archéologique de Louvres a ainsi été doté de réserves logées dans un bâtiment passif. Le chantier du Musée des beaux-arts de Dijon prend aussi en compte ces problématiques. Idem en matière de conception des expositions, domaine dans lequel quelques institutions prennent des initiatives, comme la Bibliothèque nationale de France avec des expositions conçues en utilisant des matériaux neutres ou recyclables. Prenons aussi l’exemple du Québec, où une bourse d’échange de matériaux a été mise en place. Mais il reste encore beaucoup à faire !

L’œil : Comment les musées français se positionnent-ils par rapport à leurs homologues étrangers ?
S. C. : Il existe une prise de conscience, mais il serait présomptueux de dire que nous sommes en avance. Ce sujet est très débattu au Canada, mais aussi en Allemagne. En revanche, ce n’est pas le cas en Italie. Tout cela est donc très relatif. 

L’œil : Qu’est-ce que serait un musée durable ?
S. C. : Un musée avec une empreinte écologique la plus neutre possible. Cela malgré une contradiction évidente : le musée génère des coûts, des déplacements… Le musée du futur doit donc trouver un équilibre dans ce domaine, tout en jouant sur les différentes manettes du développement durable. Il doit faire en sorte que les publics qui en sortent puissent avoir une action sur leur propre vie. Mais cela ne se fera pas du jour au lendemain. C’est d’ailleurs l’esprit de la démarche de l’Agenda 21.

Repères

Serge Chaumier est muséologue, responsable du master « Muséographie » à l’université d’Artois (Arras). Il est l’auteur, avec Aude Porcedda, de Musées et Développement durable, éd. La Documentation française, 2011, 336 p.

AGENDA 21
C’est un plan d’action adopté en 1992 par près de 180 chefs d’État lors du Sommet de la Terre de Rio. Il définit les principes du développement durable. Il a été complété à partir de 2002 par la rédaction d’un Agenda 21 de la Culture.

ENTRE 18 ET 23 ° C,
et entre 53 et 57 % de taux d’humidité. Sans oublier une filtration de l’air destinée à éviter les dépôts de poussières ou de moisissures sur les œuvres. Telles sont les contraintes de conservation qui imposent aux musées des choix énergétiques spécifiques.

“ Il existe de fortes analogies politiques entre les questions culturelles et les questions écologiques, du fait que la culture et l’environnement sont des biens communs de l’humanité.”?
Article 2 de l’Agenda 21 de la Culture, Barcelone, 2004.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°645 du 1 avril 2012, avec le titre suivant : Entretien : Serge Chaumier

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