Porfolio

Le nu cent fois remis sur le métier

Par Lina Mistretta · L'ŒIL

Le 22 février 2012 - 564 mots

Dans l’œuvre de Degas, les nus tiennent une place prépondérante et témoignent de ses évolutions à la fois techniques et plastiques tout au long de sa carrière.

Dans l’important corpus des tableaux que Degas (1834-1917) consacre aux femmes, il est un sujet qui constitue l’un de ses thèmes de prédilection et qui, jusqu’à présent, n’avait jamais fait l’objet d’une attention exclusive :  le nu. Cet oubli est aujourd’hui effacé avec l’exposition « Degas et le nu » qui participe de la volonté d’Orsay de faire mieux connaître les maîtres de la deuxième moitié du XIXe siècle. Car Degas a représenté des nus tout au long de sa longue carrière, à l’aide des nombreuses techniques qu’il a expérimentées.

L’expression de la série
Avant de travailler des sujets tirés de la vie moderne, Degas se consacre à une série de tableaux historiques. Une période néoclassique où il mêle parfois, d’étrange façon, le sujet historique aux canons de son époque. Nonobstant, le dessin reste intransigeant, conforme en tout point à la tradition des dessinateurs dont Ingres reste le maître. Sur cette structure classique, il construira des œuvres singulièrement audacieuses à travers ses portraits, ses scènes de courses et ses danseuses saisissantes de réalité.

À la fin du siècle, Degas revient sur les pastels de sa jeunesse. Il reprend en grand format certaines poses de ses danseuses et dessine inlassablement des nus. De cette période date la série des « femmes à leur toilette ». Il cherche dans le nu qu’il a peint sous tous les angles l’expression du geste instantané, aussi précis et naturel que possible. Insoucieux des conventions, il le libère de la pose, refusant l’idéalisation convenue pour ce thème. Ces femmes surprises qui se lavent, sortent du bain, s’essuient et se coiffent n’attendent aucun spectateur supposé.

Degas fait partie des premiers artistes qui ont travaillé sur la notion de série, laissant voir l’évolution de son art. Mais l’expressivité reste la constante dans cette évolution, tant en ce qui a trait à l’objet qu’en ce qui concerne le moyen d’expression. Un monotype devient une photographie qui engendre des séries entières de dessins, de pastels et de peintures, donnant l’impression de tableaux potentiellement infinis sur lesquels on peut suivre le développement d’un geste ou un changement d’angle visuel. Sur le plan plastique, cette évolution se traduit par une application moins précise mais plus évocatrice de la matière.

Ses premiers pastels sont méticuleux, avec des nuances subtiles et des limites précises imposées aux figures. Puis la juxtaposition des nuances s’accentue, la ligne n’enserre plus la forme mais devient, dans une légère hachure, l’animation colorée de surfaces entières. À ce stade, Degas est, selon ses termes, un « coloriste avec la ligne ».

Ses derniers pastels, d’une extrême liberté d’exécution, prennent l’aspect de feux incandescents où disparaît toute précision de forme en faveur d’un fond zébré de hachures multicolores. Est-ce à sa vue défaillante ou à une libération de son art que l’on doit l’abstraction croissante de ses œuvres ? Son ami Daniel Halévy critiquait ses derniers pastels « puissants mais horribles » tandis que Renoir disait : « C’est après sa cinquantième année que son œuvre explose et qu’il devient vraiment Degas. »

Infos pratiques. « Degas et le nu », du 13 mars au 1er juillet 2012. Musée d’Orsay. Du mardi au dimanche de 9 h 30 à 18 h. Tarifs : 9 et 6,50 €. www.musee-orsay.fr

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Le nu cent fois remis sur le métier

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