Questions à Clément Chéroux, conservateur au département photographique du Mnam

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 22 février 2012 - 354 mots

L’œil : L’engouement récent pour le Photomaton s’inscrit-il dans la réhabilitation historienne et esthétique de la photographie vernaculaire ?
Clément Chéroux : Un mot d’abord sur la photographie vernaculaire. Ce terme un peu barbare regroupe toutes les photographies (amateurs, de mariage, d’identité, médicales, documentaires, etc.) non produites dans le but de faire de l’art – ce qui ne veut pas dire qu’elles sont forcément exemptes de qualités esthétiques. L’engouement pour cette iconographie ne date pas d’aujourd’hui. Dès les années 1920, les avant-gardes qui cherchaient à dépasser l’académisme ont trouvé dans cette iconographie les moyens d’un renouvellement du vocabulaire formel. Les surréalistes se sont passionnés pour les photographies anonymes et pour les Photomatons. Les constructivistes et les artistes du Bauhaus ont truffé leurs publications d’images amateurs ou de photographies documentaires trouvées dans la presse. Depuis les années 1960-1970 et, plus largement, depuis les années 2000, cette iconographie vernaculaire fait un retour en force dans le champ de l’art. Ceci pour deux raisons. Parce que cela correspond tout d’abord à un moment d’expansion économique pour cette photographie vernaculaire : les années 1960-1970 correspondent à l’explosion de la photographie amateur en couleur, les années 2000 au développement du numérique. Mais aussi parce qu’à ce moment-là les artistes se posent des questions (intimité, identité, protocole documentaire, etc.) dont l’iconographie vernaculaire permet particulièrement bien de rendre compte.

L’œil : Automaticité = authenticité. Est-ce ce principe fondamental qui explique le succès du Photomaton ?
C. C. : Il y a sans conteste une poésie de l’automaticité. Elle repose sur l’idée chère à Roland Barthes de « la mort de l’auteur ». Ce n’est plus l’artiste mais la machine qui fait le travail. L’auteur disparaît derrière la toute-puissance technologique. Andy Warhol, qui est très bien représenté dans l’exposition, ne disait-il pas qu’il voulait devenir une machine ? Et c’est finalement tout naturel qu’il se soit emparé du comble de l’automatisme photographique : le Photomaton. Il arrive cependant au dispositif de dysfonctionner. Il en résulte une forme de poésie de l’automatisme qui vient alors se nicher dans ses failles, ses ratages et ses dérapages. Quoi de plus touchant qu’un Photomaton taché, flou ou mal cadré.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Questions à Clément Chéroux, conservateur au département photographique du Mnam

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