Art contemporain

Lauren Laz : « Les artistes pratiquent la gravure aujourd’hui parce qu’elle leur offre un résultat »

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 21 février 2012 - 555 mots

Lauren Laz est conservatrice du Cabinet cantonal des estampes du Musée Jenisch de Vevey, en Suisse, qui rouvrira ses portes au public dans les prochaines semaines.

Le Musée Jenisch est consacré notamment aux arts graphiques. Outre les quelque trente mille gravures anciennes et modernes qu’il recèle, il est le dépositaire du fonds Kokoschka. Réflexions autour de la gravure…

L’œil : En quoi la gravure est-elle un moyen d’expression singulier ?
Lauren Laz : Avant toute chose, il convient de rappeler que la gravure a été créée au milieu du XVe siècle à des fins de diffusion. Pour un artiste, faire une gravure représentait un certain enjeu artistique et social. À partir du XIXe siècle, avec la création de la photographie, le fait de diffuser une image relève d’autres problématiques et, aujourd’hui, celle-ci répond à notre besoin d’images. Aussi le projet social de la gravure n’est-il plus vraiment de mise et les artistes qui la pratiquent le font parce qu’elle leur offre un résultat, une esthétique qu’ils ne peuvent pas obtenir autrement.

L’œil : Qu’est-ce qui constitue la spécificité technique et matérielle de la gravure ?
L. L. : À la différence de la pratique du dessin, pour faire une gravure, l’artiste a besoin d’une infrastructure spécifique. Il y a de nombreuses techniques différentes, donc il y a toutes sortes de résultats plastiques possibles. Une gravure, quand vous l’avez entre les mains, c’est toujours une matérialité qui est très forte. Il y a la profondeur du papier, le jeu du noir et blanc et ce moment extrêmement émouvant de la découverte de l’épreuve, à l’issue du passage sous la presse. Beaucoup d’artistes insistent sur le fait qu’à l’ouvrage, ils se sentent moins seuls et que la presse est une des composantes actives de leur travail.

L’œil : N’y a-t-il pas une part de hasard aussi, avec laquelle l’artiste compose ?
L. L. : Cela dépend des pratiques artistiques, mais tout est ordinairement très maîtrisé. Si certains ont une approche plus hasardeuse et laissent jouer les techniques, voire des accidents qui peuvent intervenir, il reste toujours cette magie de l’instant où ils découvrent l’objet, quelque chose d’une petite euphorie.

L’œil : Peut-on dire qu’il y a une iconographie propre à la gravure ?
L. L. : Non, pas vraiment. Chaque artiste a ses problématiques, ses propres questionnements et, s’il se tourne vers la gravure, c’est qu’elle lui permet de les exprimer. Au fil du temps, la gravure suit les enjeux du style et de la forme, qu’elle soit figurée ou abstraite. On voit transparaître en revanche dans la pratique de la gravure aujourd’hui un ensemble de concepts qui prennent le pas sur la question de la représentation : tel artiste y recourt dans l’objectif de constituer un portfolio, tel autre la détourne dans le réemploi de gravures anciennes, tel autre encore la met en jeu dans la création d’une installation.

L’œil : Quel genre de relation la gravure induit-elle au regardeur ?
L. L. : Du fait du support papier, la gravure sous-tend une dimension de proximité par rapport au regardeur, comme il en est du livre. La notion de relief l’invite à l’épreuve du toucher. Elle l’entraîne donc à une forme d’implication physique qui la rapproche de la sculpture.

A voir

Salon international de l’estampe et du dessin au Grand Palais du 27 au 29 avril.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Lauren Laz : « Les artistes pratiquent la gravure aujourd’hui parce qu’elle leur offre un résultat »

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