Entretien - François Deschamps

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 10 octobre 2011 - 673 mots

Le ministère de la Culture a présenté son projet de budget pour l’année 2012. Si celui-ci est préservé des coupes claires, quel sera son impact sur les politiques culturelles locales ? L’analyse du président de la Fnadac…

L’œil : Le ministère de la Culture communique cette année encore sur une hausse de son budget. Cette tendance est-elle réellement perceptible au niveau territorial ?

François Deschamps : La très légère augmentation du budget global du ministère de la Culture est déjà une bonne chose en comparaison des pays voisins. Pour autant, le budget du ministère continue à ne représenter environ que 0,76 % du budget de l’État. Par ailleurs, il faut confronter la hausse de 0,9 % annoncée pour 2012 au taux de l’inflation ( 2 % en 2011) qui affecte les structures artistiques et culturelles. Au niveau territorial, les Directions régionales des affaires culturelles (Drac) n’ont plus guère de marge de manœuvre, elles se sont recentrées sur les structures labellisées (CDN, CCN, scènes nationales et conventionnées, Frac, centres d’art…) ainsi que sur quelques événements d’envergure nationale (Monumenta, festivals), laissant le reste sous la responsabilité des collectivités. Le non-remplacement de postes empêche en outre certaines Drac de s’associer à la dynamique de développement culturel sur les territoires en tant que véritables partenaires des collectivités.

L’œil
: Quelle est l’attitude des collectivités locales face à cette tendance au désengagement de l’État ? Prennent-elles le relais ?

F. D. : Parallèlement, les collectivités, qui financent un grand nombre de structures culturelles, sont elles-mêmes confrontées à des contraintes budgétaires sans précédent (recettes en baisse en raison de transferts de l’État, d’emprunts toxiques, de la réforme de la fiscalité, de la situation économique…). La volonté politique de nombreux élus locaux, qui sont au plus près des habitants, a permis de sauvegarder l’essentiel jusqu’alors, notamment à l’échelle des villes. Mais d’autres collectivités, notamment des départements et dorénavant des régions, décident de ne plus prendre le relais de l’État quand celui-ci flanche. Le recentrage de l’État a ainsi entraîné la suppression pure et simple de certaines structures, comme Danse au cœur à Chartres, le centre de création Musiques inventives d’Annecy ou encore le Théâtre de la Digue à Toulouse. Ces collectivités disent devoir privilégier leurs compétences « obligatoires ». En matière culturelle, le régime des compétences « partagées », s’il a des avantages en termes de liberté artistique et de force d’entraînement pour les investissements, peut aussi aboutir en période de crise à un désengagement de chaque niveau d’administration qui peut se révéler dramatique s’il se poursuit.

L’œil : Comment analysez-vous, malgré un contexte budgétaire tendu, cette volonté de l’État de continuer à mener une politique de grands projets ?

F. D.
: C’est une « tendance lourde » de l’État jacobin qui ne date pas d’hier. Hormis le laborieux projet du Mucem à Marseille, heureusement sauvé par la labellisation de la ville comme « capitale européenne de la culture », les grands projets actuels (la rénovation du Palais de Tokyo et du quadrilatère Richelieu, la construction du centre des Archives de Pierrefitte et la préfiguration d’une Maison de l’histoire de France, la création d’une Philharmonie dans le parc de la Villette et d’une Villa Médicis à la française dans la tour Utrillo) se situent tous dans la région parisienne ! Or cette stratégie est dépassée. Il est avéré que les grosses structures centrales, à quelques exceptions près, ne jouent pas leur rôle d’irrigateur des territoires périphériques.

LE DEBAT
Présenté par le gouvernement fin septembre, le projet de loi de finances pour 2012 fera encore l’objet d’un débat devant le Parlement. À quelques mois de l’élection présidentielle, ce projet de budget est aussi le dernier du quinquennat de Nicolas Sarkozy.

2,09 MILLIARDS D'€
C’est le montant des crédits proposés pour la mission Culture en 2012, hors dépenses de personnel.

« Un constat clair s’impose : en ces temps de crise économique et financière, le budget de la culture n’a pas servi de variable d’ajustement.»
Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, lors de la présentation du budget le 28 septembre 2011.

Repères

François Deschamps est président de la Fédération nationale des associations de directeurs des affaires culturelles (Fnadac). Créée en mai 2011, cette fédération regroupe plusieurs centaines de directeurs des affaires culturelles de collectivités territoriales de tous niveaux (régions, départements ou communes).

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°640 du 1 novembre 2011, avec le titre suivant : Entretien - François Deschamps

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