Des amateurs sur la brèche

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 septembre 2011 - 562 mots

Neuf collectionneurs ont joué le jeu et produit les œuvres de dix artistes visibles à l’Espace de l’art concret. Nous avons voulu en savoir plus auprès de Fabienne Fulchéri, la directrice des lieux.

L’œil : Comment est venue l’idée de l’exposition « Collectionneurs en situation » ?
Fabienne Fulchéri : Cette exposition s’inscrit dans une manifestation plus globale qui s’intitule « L’art contemporain et la Côte d’Azur ». Il s’agissait donc tout d’abord d’interroger la notion d’expérimentation au sein de ma propre pratique de commissaire d’exposition en bousculant un peu mon mode de fonctionnement. J’ai eu envie de concevoir une exposition dans laquelle le choix des artistes serait au départ à l’initiative d’une autre personne que moi. L’Espace de l’art concret est un lieu qui est né au commencement d’une décision privée, celle de Sybil Albers et de Gottfried Honegger, une collectionneuse et son conjoint à la fois artiste et collectionneur lui aussi. L’idée de convier des collectionneurs à participer à ce projet s’est donc imposée assez naturellement. Bien entendu, la règle du jeu mise en place est plus complexe puisque je souhaitais que les collectionneurs soient véritablement des acteurs et qu’ils s’engagent dans une logique de production et d’accompagnement auprès des artistes.

L’œil : Comment s’est fait le choix des collectionneurs ?
F.F : J’ai été surprise, je l’avoue, qu’un si grand nombre (une dizaine) accepte de jouer le jeu. Certains, comme Michel Fedoroff, avaient déjà entrepris cette démarche en invitant des artistes à concevoir des créations spécifiques, mais pour la majeure partie d’entre eux c’était une première puisqu’ils n’achetaient que des œuvres déjà produites en galerie, maisons de ventes ou ateliers.

L’œil : Avez-vous rencontré beaucoup de réticences ?
F.F : L’implication était d’un tout autre ordre dans cette exposition puisque les artistes choisis étaient invités à produire de nouvelles pièces qui devaient d’abord s’inscrire dans les espaces du château de l’EAC puis intégrer dans un second temps ceux du domicile du collectionneur. Cette réflexion sur la commande, le lien entre l’artiste, le collectionneur et l’institution a suscité des débats passionnants entre les différents interlocuteurs : des questionnements sur la manière dont l’œuvre dialogue avec l’architecture, s’y intègre ou y résiste, mais aussi sur les éléments essentiels qui la fondent au-delà de ses déplacements.

L’œil : Qui a payé pour les productions ? La question de l’argent s’est-elle posée ?
F.F : La question financière a été aussi au cœur du sujet, au même titre que l’ensemble des paramètres (contraintes techniques, de sécurité, de temps…) qui font qu’une idée passe justement du stade de projet à celui de la réalisation. Les collectionneurs qui participent à ce projet n’ont pas tous le même niveau de revenus et leurs parcours sont très singuliers, ce qui est important et donne encore plus d’attrait pour moi à cette aventure. Tous partagent une grande passion pour l’art et la relation privilégiée susceptible de s’établir avec l’artiste.

Autour de l’exposition

Informations pratiques. « Collectionneurs en situation » jusqu’au 30 octobre 2011. Ouvert du mercredi au dimanche de 12 h à 18 h. Espace de l’art concret de Mouans-Sartoux. Tarifs : 5 et 2,5 euros. www.espacedelartconcret.fr

La collection Honegger. La collection du couple Sybil Albers et Gottfried Honegger compte aujourd’hui 557 œuvres de 168 peintres, sculpteurs ou designers concret et post-concret. Mise en dépôt à l’EAC fondé en 1990 à Mouans-Sartoux, la collection est exposée dans un bâtiment annexe au château.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°639 du 1 octobre 2011, avec le titre suivant : Des amateurs sur la brèche

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