Montréal et son centre périphérique

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 25 août 2011 - 516 mots

En marge des institutions classiques se sont développés des lieux autonomes, centres d’art, galeries d’universités, etc., qui créent un bouillonnement créatif dans la ville. Mais en dehors ?

Optica, un centre d’art autogéré, dirigé par un consortium d’artistes et de critiques et financé par le fédéral, le provincial et le municipal, un type de structure assez répandu au Canada, fêtera ses 40 ans en 2012. Une longévité remarquable comme celle du Centre Clark, vingt-trois années de bons et loyaux services, une dizaine d’expositions par an, un programme de résidences et une pléthore d’ateliers dans le très branché quartier du Mile End. Un maillon essentiel pour la création dans une ville où le marché ne pèse pas bien lourd malgré l’existence de nombreuses galeries. 

Il existe même des drôles de combinaisons à l’œil des visiteurs français, comme cette Parisian Laundry, galerie commerciale et centre d’artistes – à l’image du Belgo, un immeuble qui combine, en centre-ville, les deux activités sur plusieurs étages –, et comme l’Arsenal, mélange improbable de galeries, de collections privées et de lieux de programmation dans le quartier en plein développement de Griffintown. 
Côté artistes, c’est à l’université qu’on les forme, à la francophone UQAM et à l’anglophone Concordia, deux établissements dont les galeries d’exposition affichent une programmation de haute volée. À Montréal, le milieu de l’art, en dépit de sa taille réduite, est assez actif. Et tout le monde finit par se connaître…

Un marché qui peine à s’exporter
Dans cette ville, les artistes peuvent créer sans se conformer aux desiderata du marché, librement, et progresser à leur rythme. Lorsque l’on demande à Michel de Broin, artiste réputé récemment rentré à Montréal après de longues années passées en Europe (à Berlin, Paris et Londres), d’analyser ce tissu si particulier, la réponse est nuancée : « Certes, il s’agit d’un avantage, les arts plastiques existent ici en parallèle des institutions, sans se soucier ni du public, ni du marché. Dans une économie à l’américaine, il est unique de voir des artistes réfléchir sans se soucier de leur succès commercial et populaire. C’est l’une des grandes spécificités de Montréal de posséder ce côté européen qui accorde préséance à l’art. Mais la petitesse du marché explique que peu d’artistes québécois parviennent à circuler internationalement. Et il est évident que l’art international est dominé par les marchés et que l’autonomie des artistes par rapport à ce dernier finit par nuire à leur visibilité. Même si visibilité et circulation ne sont pas une garantie de qualité ! Remarquons, continue l’artiste, que les artistes québécois aux carrières internationales ont tous des marchands étrangers : Rafael Lozano-Hemmer, David Altmejd, Jana Sterbak et Marc Seguin. » D’ailleurs Michel de Broin lui-même n’échappe pas à la règle puisqu’il est représenté par une galerie barcelonaise et collabore régulièrement avec des maisons parisiennes et new-yorkaises.

Les galeries regardent aujourd’hui du côté de Brooklyn, rêvent de New York et fréquentent les allées de la foire de Toronto. Ce qu’il reste désormais à entreprendre, c’est bien de cultiver le goût des collectionneurs encore trop timides et mal conseillés. Un complément indispensable à la mutation de Montréal.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°638 du 1 septembre 2011, avec le titre suivant : Montréal et son centre périphérique

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