Jean-René Gaborit, La Sculpture romane

Un art roman admirablement bien servi

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 20 avril 2011 - 394 mots

BEAU LIVRE. Il y a quelque chose de profondément émouvant dans la sculpture romane. Par son aspect parfois frustre, naïf, voire primitif, elle touche directement l’âme.

Elle renvoie aussi à la simplicité pleine de spiritualité des églises qui lui servent de support. Car elle est essentiellement religieuse et tend au fil des siècles à s’installer sur les chapiteaux, le mobilier liturgique (bénitier, fonts baptismaux), les plaques funéraires puis à l’extérieur, sur les tympans et trumeaux. 

Elle nous touche aussi par son asservissement à l’architecture, « la loi du cadre », comme le rappelle l’auteur de cette superbe somme sur la sculpture romane, Jean-René Gaborit. L’obligation d’assujettir les figures à la forme du chapiteau ou du tympan pousse le sculpteur à des trésors d’ingéniosité. Fort heureusement, il n’est pas contraint de respecter un quelconque canon ou réalisme et peut jouer à l’envi sur des corps élastiques. Il démontre ainsi toute l’originalité et l’inventivité d’un style qui, bien que marqué par les modèles antiques et dans une moindre mesure par les modèles barbares et byzantins, sait s’en éloigner. Tout cela est magnifiquement rendu par les innombrables photos de détail contenues dans l’ouvrage. Alors qu’en général les reproductions de tableaux ou de grandes statues sont très en deçà du rendu réel, ici la photographie permet d’apprécier motifs, composition et expression, plus facilement qu’in situ. On découvre ainsi au fil des pages de nombreux personnages de l’Ancien et du Nouveau Testament, mais aussi un bestiaire fantastique et des représentations des péchés à faire rougir un bon chrétien. Paradoxalement, compte tenu du contexte, l’humour n’est pas totalement absent, de sorte que l’on peut imaginer que certains sculpteurs, le plus souvent anonymes, pouvaient développer une certaine distance critique à l’égard de leur sujet.

Le seul reproche que l’on peut faire à l’auteur est d’avoir trop gardé en tête les étudiants en histoire de l’art en rédigeant cet ouvrage de référence, et pas assez le grand public. Ainsi, en lieu et place de l’abondante bibliographie, des cartes géographiques et un lexique auraient été les bienvenus. Le parti pris d’un découpage thématique, au lieu d’un découpage géographique habituellement choisi, est pertinent. Car, comme l’indique Gaborit en introduction, le terme roman, une invention du XIXe, recouvre des réalités très différentes d’un lieu à l’autre, entre le Xe et le XIIe siècle.

Jean-René Gaborit, La Sculpture romane, Hazan, 440 p., 350 ill., 99 euros.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°635 du 1 mai 2011, avec le titre suivant : Jean-René Gaborit, <em>La Sculpture romane</em>

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