La femme sous les pinceaux de Kees Van Dongen

Par Anouchka Roggeman · L'ŒIL

Le 16 mars 2011 - 364 mots

Des prostituées, des ouvrières, des danseuses, des actrices, des intellectuelles, des mondaines… Rarement un artiste n’aura représenté autant de femmes de conditions aussi différentes.

Grand séducteur, marié à deux reprises et entouré de nombreuses maîtresses, Kees Van Dongen fit de la femme son sujet privilégié pendant près de soixante ans. Fasciné dans un premier temps par les quartiers chauds de Rotterdam, il dresse des instantanés de prostituées et d’ouvrières, s’inspire de Degas pour dessiner des femmes « sans pose », faisant leur toilette ou simplement accroupies.

D’abord insondable, elle s’embellit peu à peu
Lorsqu’il expose Le Torse au Salon d’automne en 1905, un puissant tableau représentant la poitrine de sa femme Guus, il est associé au groupe des fauves et devient le peintre de la femme par excellence. Certes, la femme qu’il peint dans cette période est provocante, mais elle n’est pas belle. Le visage déformé par les éclairages, le corps ballonné, le regard charbonneux ou rougi, sa danseuse, sa femme assise, sa ballerine borgne prennent des airs de pantin désarticulé ou de statuette maladroitement façonnée.

Compagne et égérie de Picasso, Fernande Olivier est son premier modèle lorsqu’il s’installe au Bateau-Lavoir (Le Chapeau rose, 1907). Insondable et vide, son regard sans émotion contraste avec la force et la brutalité des couleurs, le rose vif de son turban, la blancheur sale de sa peau et le rouge passé de ses lèvres. Comme toutes les femmes que l’artiste peint dans sa période fauve, elle cache derrière ses accessoires omniprésents et son maquillage exagéré une mystérieuse aura, et surtout une grande tristesse.

Lorsqu’il devient le portraitiste à la mode, il fait défiler devant lui les femmes mondaines de Paris. Mais, cette fois, il les rend belles, extrêmement élégantes, légèrement provocantes. « L’essentiel, c’est d’allonger les femmes et surtout de les amincir. Après cela, il ne reste plus qu’à grossir leurs bijoux, elles sont ravies », dira-t-il. Longilignes, adoptant des poses théâtrales et fatales, les femmes de ses portraits semblent assumer pleinement leur féminité et leur toute récente indépendance. Ses portraits deviennent vite le symbole des Années folles, et le magazine Vogue les publie en pleine page. Cheveux courts, épaule dénudée, regard assuré : une nouvelle femme est née.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°634 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : La femme sous les pinceaux de Kees Van Dongen

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