French… touche !

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 14 mars 2011 - 743 mots

Un temps tombée en désuétude au profit d’autres moyens d’expression, la peinture sur toile a regagné l’intérêt des artistes comme les murs des collectionneurs.

Qu’ils s’appellent Ronan Barrot, Damien Deroubaix, Grégory Forstner ou Audrey Nervi, une nouvelle génération d’artistes attestent de la vitalité de la peinture en France. Or, pendant longtemps, ce médium semblait non grata dans l’Hexagone, méprisé par l’establishment de l’art contemporain. « Dans les années 1960 à 1980, les conservateurs et critiques en France étaient très marxisants. La peinture était vue comme bourgeoise, et donc n’avait pas à être valorisée par l’institution, remémore la galeriste parisienne Nathalie Obadia. Puis dans les années 1980 et 1990, de nombreux critiques et commissaires se voyaient comme des créateurs en concurrence avec les plasticiens qu’ils invitaient et pour que leur touche soit plus visible, ils préféraient inviter des artistes qui faisaient des installations. »  

Une génération décomplexée
De l’eau a coulé sous les ponts. Bien que guère convaincante, l’exposition « Cher Peintre » au Centre Pompidou redonnait la parole à ce médium. Un sursaut que l’exposition ratée autour de la peinture en France organisée dans le cadre de l’opération diplomatique Art France Berlin risquait de freiner. Heureusement rien n’y fait, et une jeune scène âgée de vingt-cinq à quarante ans commence à s’insinuer dans les expositions et sur le marché.
 
Basé à Berlin, Damien Deroubaix développe une peinture noire aux accents punk très appréciés outre-Rhin. Stéphane Pencréac’h, dont les œuvres valent entre 10 000 et 35 000 euros chez Anne de Villepoix, dépeint lui aussi un monde tragique et cauchemardesque. Organisée par le musée d’Art moderne de la Ville de Paris et le Palais de Tokyo, l’exposition « Dynasty » a mis le pied à l’étrier à de plus jeunes peintres. 

Peut-on parler pour autant de renouveau ? « Je pense plutôt qu’il existe à l’heure actuelle une plus grande liberté pour les peintres, ce qui engendre aussi plus de visibilité, estime la galeriste parisienne Odile Ouizeman. On voit depuis quatre à cinq ans des générations de peintres totalement décomplexés qui semblent s’approprier leurs influences en toute liberté et aller vers tous les possibles. » Ce qui amène à des variations extrêmement fortes allant de la figuration à l’abstraction, de la peinture naïve à l’hyperréalisme. Un large prisme perceptible dans l’exposition « Dynasty », avec le travail en grisaille de Guillaume Bresson, dont le répertoire classique emprunte aussi bien à Nicolas Poussin qu’aux primitifs flamands. 

De son côté, Raphaëlle Ricol possède une gestuelle plus proche de Gaston Chaissac. Une filiation avec Marc Desgrandchamps se devine dans les jeux de transparence utilisés par Iris Levasseur, Florence Reymond ou Romain Bernini, même si les thématiques restent éloignées. 

Le retour des collectionneurs
Les amateurs français ont-ils eux aussi revu leurs réserves ? « Je ne pense pas qu’il y ait eu une totale rupture avec les collectionneurs français. Beaucoup ont aussi bien intégré Support/Surface que la figuration narrative à leurs collections et ils étaient prêts à voir l’arrivée de ces jeunes peintres avec leurs imaginaires propres. On constate bien dans les foires l’attrait pour la peinture. Il y a évidemment un côté rassurant face à la vidéo par exemple, et au questionnement concernant les multiples ou la pérennité », confie Odile Ouizeman.  Les prix restent aussi abordables. Une petite toile de Florence Reymond vaut autour de 4 000 euros tandis qu’un grand format d’Iris Levasseur se négocie autour de 15 000 euros. Pour Nathalie Obadia, les collectionneurs achètent désormais de la peinture aussi facilement que des installations. François Pinault a ainsi acquis des œuvres de Philippe Perrot. « La peinture n’est plus vue comme le médium à part, mais faisant partie de la création contemporaine, indique Nathalie Obadia. Pendant longtemps il y avait les peintres et les plasticiens. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Ironie du sort, on voit beaucoup de plasticiens d’hier faire aujourd’hui des peintures, des œuvres murales pour des stratégies marchandes. »

Repères

Damien Deroubaix (né en 1972)
Trash, féroce, politiquement incorrect, la peinture de Deroubaix, représenté par la galerie In Situ, affiche un côté Métal Hurlant.

Stéphane Pencréac’h (né en 1970)
Autour des thèmes récurrents du sexe, de la création et de la mort, ce peintre représenté par Anne de Villepoix crée un monde vertigineux et noir, ponctué parfois d’objets réels en trois dimensions.

Marlène Mocquet (1979)
découverte par le galeriste Alain Gutharc, cette jeune artiste a d’emblée séduit les collectionneurs avec son univers onirique, peuplé de personnages hybrides à la Hieronymus Bosch.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°634 du 1 avril 2011, avec le titre suivant : French… touche !

Tous les articles dans Marché

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque