Musée Frieder Burda, Baden-Baden

Quand Hanson rencontre Crewdson

Jusqu’au 6 mars 2011

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 28 janvier 2011 - 352 mots

C’est un face-à-face littéral qui se joue au musée Frieder Burda à Baden-Baden. Volume contre surface, grain de peau contre grain photographique, sociologie contre psychologie, vingt-cinq sculptures de Duane Hanson (1925-1996) contre vingt photographies de Gregory Crewdson (né en 1962), pour deux spectacles distincts de l’Amérique.

Au premier, reviennent les représentations immédiates à coup de sculptures démentes de réalisme : touriste graisseux en short, gamins accroupis jouant sur un tapis, cow-boy en totale panoplie, peintre en bâtiment à salopette blanche et rouleau rose frais. Aux murs, les scènes hyperconstruites de Crewdson. Ce qui se joue dans l’affrontement ? Deux enregistrements de l’Amérique moyenne énoncés à une génération d’écart. Et pour mieux élucider les deux univers, l’exposition installe çà et là les personnages de Hanson à la manière d’une hypothétique tribu observant les clichés de Crewdson. Plantés dans les salles, avachis sur les bancs, nez en l’air, chemise à fleurs eighties ou appareil photo en bandoulière, les archétypes surincarnés se mesurent aux images écrasées de solitude accrochées aux murs.

C’est que la série « Beneath the Roses » (2003-2007) alterne vues d’intérieur et vues d’extérieur comme autant d’échantillons d’une sombre Amérique au bord du fantasme, aussi familière qu’indéchiffrable. Surproduits façon cinéma, les grands formats atmosphérisent des scènes du quotidien localisées « n’importe où et nulle part » : motels, carrefours, pavillons, foultitude de détails, et, derrière les fenêtres, des lumières bleutées, des chairs laiteuses et spectrales, toujours isolées les unes des autres. Comme cette femme aux côtés d’un nourrisson éperdu de solitude au milieu d’un trop grand lit défait. Ou cet homme sur une route déserte, debout sous la pluie devant sa voiture à l’arrêt, porte ouverte. Entre onirisme froid et scenarii psychologisants lorgnant chez Lynch ou Sirk, les images de Crewdson avouent une Amérique plus disloquée que mélancolique.

Restent deux points de vue qui, s’ils s’inscrivent dans une tradition réaliste vernaculaire, bâtissent du pur artifice aux allures réalistes. En résultent deux partitions bien distinctes. L’une plus surréalisante que réaliste, l’autre plus empathique qu’hyperréaliste.

Voir

« L’Inquiétante Étrangeté du réel », musée Frieder Burda, Lichtentaler Allee 8b, Baden-Baden (Allemagne), www.museum-frieder-burda.de, jusqu’au 6 mars 2011.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : Quand Hanson rencontre Crewdson

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