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Le musée Chirac, un vrai faux débat

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 24 janvier 2011 - 546 mots

Il n’est jamais bon de se faire égratigner par un média quand l’actualité tourne au ralenti. On peut alors être sûr que l’information sera reprise par toute la presse. Prenez le musée du Président Jacques Chirac par exemple,  perdu en pleine Corrèze : Le Monde a publié le 30 décembre un rapport de la Cour des comptes du Limousin sur les finances du département et de quelques-unes de ses institutions dont le musée Chirac. L’information a été reprise en boucle par de nombreux médias, et l’addition aurait pu être beaucoup plus « salée » s’il n’y avait eu les perturbations climatiques pour détourner l’attention. La Chambre régionale des comptes a notamment pointé du doigt la baisse de la fréquentation du musée et son déficit d’exploitation. La place manque ici pour publier un florilège des critiques qui témoignent d’une méconnaissance de la réalité des musées et de leur assimilation abusive à des entreprises. 

Avec une fréquentation de 47 000 visiteurs en 2009, le musée Chirac se place en 97e position, à égalité avec le musée d’Art moderne de Saint-Étienne. Ce qui est déjà une belle performance quand on connaît la fréquentation annuelle d’autres musées. Le musée Roger-Quilliot à Clermond-Ferrand : 29 000 visiteurs. Le musée Zadkine à Paris : 26 000 visiteurs. Le musée des Beaux-Arts de Nîmes : 16 000 visiteurs. Et le musée du Septennat de François Mitterrand à Château-Chinon, le « concurrent » du musée de Sarran : 15 000 visiteurs. On a trop dans la tête les files d’attente du Louvre ou du Grand Palais et l’on en oublie la réalité des 400 autres musées d’art. 

La Chambre régionale des comptes s’est également amusée à diviser le « déficit d’exploitation » par le nombre de visiteurs pour souligner les 30 euros de coût par visiteur (en réalité 25 euros en 2009) à la charge des contribuables de Corrèze qui n’en peuvent déjà plus d’habiter le département le plus endetté de France. Et chacun de reprendre en cœur ce chiffre, en taisant que le financement de tous les musées repose en grande partie, voire à 95 % lorsqu’ils sont gratuits, sur les subventions publiques. Pour un musée d’Orsay qui parvient à ramener le déficit par visiteur à 3,30 euros grâce à ses visiteurs touristes et à la location de ses tableaux impressionnistes à l’étranger, combien d’autres dépassent largement les 29 euros ? Celui de Saint-Étienne, déjà cité, avec son effectif de 63 personnes et ses 200 000 euros de recettes commerciales, doit sortir un ratio de 80 à 100 euros par visiteur.

Sur le plan de la gestion, le musée Chirac se porte plutôt bien ou, c’est selon, aussi mal que les autres. D’ailleurs il occupe la 118e place du Palmarès Artclair 2010. Étant entendu que la culture aura toujours besoin de financement public, le débat devrait plutôt porter sur le levier culturel dans le développement territorial. Avec un investissement total de 17 millions d’euros et un coût annuel net de fonctionnement de 1,2 million d’euros, ce bâtiment construit par Wilmotte au milieu des champs pour abriter les cadeaux du président Chirac était-il le meilleur programme pour développer une région pauvre ? Attendons une autre période creuse, entre les ponts du mois de mai, pour ouvrir ce débat plus technique et donc plus rébarbatif.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°632 du 1 février 2011, avec le titre suivant : Le musée Chirac, un vrai faux débat

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