Musée Rodin jusqu’au 27 février 2011

Studio Moore avec vue sur cour

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 27 octobre 2010 - 379 mots

« Je cherche à donner le sentiment qu’une chose peut bouger, peut s’articuler, qu’elle n’est pas figée, qu’elle peut respirer » : tels sont, limpides et programmatiques, les mots que Henry Moore (1898-1986) consentit à livrer dans un entretien qu’il réserva à L’œil en 1967, et ce à l’occasion du cinquantenaire de la mort d’Auguste Rodin (1840-1917), un aîné admirable et, à l’évidence, admiré par son cadet. Juste retour des choses, donc, que cette exposition qui fait de Moore l’hôte de Rodin, l’atelier du premier étant reconstitué exceptionnellement par le musée du second. Un studio splendide, avec vue sur cour. Une occasion à saisir.

Déployée dans la chapelle et dans la nef du musée Rodin, l’exposition s’organise autour de l’atelier de Moore, dont la scénographie rappelle celle de Perry Green, là, à quelques kilomètres de Londres, où le sculpteur et son épouse Irina élurent domicile après le Blitz, transformant cottages et terrains de ce discret hameau en épicentre de la modernité. Fragments en souffrance et œuvres en jachère composent ici un étrange capharnaüm, entre archéologie et bibeloterie, chaque élément – boîte, crâne, bâton – et chaque matériau – os, silex, carton – étant susceptible de faire naître une idée dans l’esprit du maître.

Indispensables pour mesurer la démarche de Moore, une cinquantaine de dessins révèlent un artiste obsédé par les métamorphoses naturelles et les hasards anthropomorphiques (Maquette pour pièce d’atome, 1964). Aussi, les Londoniens réfugiés dans le métro lors des bombardements ennemis évoqueraient presque des fourmis traquées puis réfugiées dans une galerie souterraine, véritable ombilic du monde (Étude pour perspective de l’abri dans le métro, 1940-1941).

De leur côté, les développements monumentaux, fidèles aux explorations alchimiques menées dans l’atelier, conservent toujours en modestie, presque en pudeur (L’Arche, 1969). Ici une célèbre Figure allongée (1979) paie le tribut à l’Antiquité, là des béances comme des trous de mortier et des saillies comme des herses disent la barbarie de la guerre. Ici le dedans et là le dehors qui toujours cohabitent et s’interpénètrent, l’ouvert et le fermé n’étant que les versants d’une cime inoubliable, presque inaccessible (Maquette de travail pour ovale avec pointes, 1968-1969).

« Henry Moore, l’atelier. Sculptures et dessins », musée Rodin, 79, rue de Varenne, Paris VIIe, tél. 01 44 18 61 10, www.musee-rodin.fr, jusqu’au 27 février 2011.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°629 du 1 novembre 2010, avec le titre suivant : Studio Moore avec vue sur cour

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque