Un patrimoine génétique commun

Par Martine Robert · L'ŒIL

Le 30 septembre 2010 - 497 mots

Depuis l’art baroque jusqu’aux happenings de Fluxus, Vilnius et Kaunas, deux villes situées en Lituanie, ont été traversées par les courants artistiques venus d’Europe : France, Italie, etc.

Les beaux-arts lituaniens, issus des formes d’art populaire comme le travail des croix, la céramique ou le tissage, ont été traversés par tous les courants européens. À l’époque baroque, des maîtres italiens, hollandais et français ont participé à la vie artistique du pays, permettant aux créateurs locaux de se former, donnant naissance à l’école de Vilnius. 

Les trésors de Kaunas
Parmi les réalisations les plus remarquables de cet art baroque se trouvent les deux mille sculptures en stuc de l’église Saint-Pierre-et-Saint-Paul à Vilnius et les fresques du monastère de Pazaislis à Kaunas : cette ville voisine fut aussi capitale de l’État Lituanien deux décennies, lorsque Vilnius devint polonaise en 1920. Cette cité était alors un « petit Paris » à la vie intellectuelle intense. Reliée à Vilnius en une demi-heure par des trains cadencés, Kaunas est à voir absolument pour sa diversité architecturale (Bauhaus, néoclassique, académique, baroque modernisé, Art déco) et muséographique : une trentaine d’établissements culturels s’y côtoient dont un très étonnant musée des Diables, riche de trois milliers d’œuvres collectées par le peintre paysagiste Antanas Zmuidzinavicius, qui s’intéressa au rôle joué par ce personnage dans le passage du paganisme au christianisme.

C’est aussi à Kaunas que l’on peut le mieux admirer Mikalojus Konstantinas Ciurlionis, dans un vaste musée à l’architecture stalinienne. Ce compositeur et peintre, considéré comme le créateur lituanien le plus important du début du xxe siècle, s’est attaché à révéler l’unité du cosmos, de la nature et de l’homme, et à traduire la poésie et la musique dans ses œuvres picturales comme Sonate des étoiles. Ciurlionis est souvent mentionné aux côtés de modernistes comme Kandinsky ou Edvard Munch. 

La patrie des pères de Fluxus
Dans les années 1930 est apparu, à Vilnius comme à Kaunas, « Ars », le premier groupe d’artistes en Lituanie (Antanas Samuolis, Viktoras Vizgirda, Antanas Gudaitis) ayant diffusé un art moderne et populaire, professant la liberté artistique, l’individualisme et les thèses esthétiques antinaturalistes. Après la Seconde Guerre mondiale et l’entrée en force dans l’Union soviétique, l’art en Lituanie a pris la voie du réalisme social. Mais des artistes ont alors essayé de conserver des liens avec leurs compatriotes étrangers et les courants artistiques d’Europe occidentale, organisant des expositions d’art non conforme et le « modernisme silencieux ». Les premiers peintres abstractionnistes – Kazé Zymblyte, Vincas Kisarauskas – ont émergé dans les années 1960, période du « dégel ».

Parallèlement, les artistes émigrés de Lituanie après la Seconde Guerre mondiale ont commencé à diffuser des idées novatrices : Jurgis Maciunas (1931-1978) est le premier à avoir lancé le mouvement Fluxus et ses joyeux happenings postdadaïstes. Yoko Ono, John Lennon, Joseph Beuys et bien d’autres rejoindront ce mouvement. La Lituanie est encore appelée aujourd’hui « la patrie des pères de Fluxus » et les jeunes du Group 27 à Vilnius s’y réfèrent toujours.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : Un patrimoine génétique commun

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