Les « bonbons » indigestes de Takashi Murakami

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 30 septembre 2010 - 390 mots

Tous les ans, le même cirque recommence. Versailles expose un artiste contemporain que des groupuscules versaillais souhaitent censurer, contribuant ainsi à augmenter la notoriété de l’événement.

Ils avaient été particulièrement remontés contre la présence de Jeff Koons, plus circonspects avec Xavier Veilhan (peut-être parce qu’il s’était focalisé sur les extérieurs). Cette année, avant même d’avoir vu le résultat, les opposants étaient très critiques contre Takashi Murakami. Ainsi, constater le ratage prévisible de l’opus nippon peut toujours laisser craindre une récupération. Pourtant, on ne va pas  le cacher, « Murakami Versailles » donne l’impression de s’être goinfré tout un paquet de bonbons ad nauseam. Si certains peuvent donner la sensation d’être bons – la salle des Gardes est plutôt réussie avec ses deux lampes en vitrail, sa moquette survitaminée et sa grande peinture sur fond d’or –, les autres sont sans grand intérêt. 

Pour continuer dans la métaphore culinaire, l’exposition du spécialiste du marketing artistique (sorte de Disney japonais) se dégonfle dès qu’elle se dévoile. Dans le salon d’Hercule, le Tongari-kun de sept mètres de haut ne tient nullement la dragée haute aux plus grands plafonds jamais peints entre 1733 et 1736. Masochisme sans-doute, le gros pâté coloré jusqu’à l’envi est placé non loin d’un Véronèse. La comparaison n’est même pas à faire.  Bref, on enfile les salles décorées de champignons magiques aux sourires niais, d’un buddha en argent d’un goût douteux, de fleurs enfantines. Murakami est resté bloqué sur son monde sucré et ne fait pas face aux enjeux à deux rares exceptions : la galerie des Glaces judicieusement fleurie d’une grosse brassée à la hauteur du « too much » des lustres et dorures, puis une sculpture d’empereur à la tête surdimensionnée dans la salle du Sacre. L’overdose est atteinte dans le jardin avec un Oval Buddha au bronze clinquant dont le double visage regarde le mirroir d’eau. 

On ne peut donc que conseiller d’éviter Versailles d’ici au 12 décembre lorsque le château retrouvera alors sa quiétude. D’ici là, il est peu probable que les milliers de visiteurs ressortent bouleversés de la présence de l’art contemporain entre ces vénérables murs. C’est à peine s’ils le remarquent, absorbés par la magnificence des lieux. Peut-être aussi parce que la vacuité des propositions de Murakami laisse intact le cadre.

« Murakami Versailles », Château de Versailles (78), www.chateauversailles.fr, jusqu’au 12 décembre 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°628 du 1 octobre 2010, avec le titre suivant : Les « bonbons » indigestes de Takashi Murakami

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