Palmarès 2010 - Quel bilan de santé pour nos musées ?

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 18 juin 2010 - 1061 mots

Portés par un intérêt général qui ne cesse de croître, malgré quelques nuages qui s’amoncellent, les musées vivent des situations très contrastées. Le septième Palmarès Artclair en rend compte fidèlement.

Que l’on retrouve six musées parisiens dans le Top 10, dont trois aux premières places, n’est pas une surprise, tant les grands opérateurs publics agissent en industriels de la culture. D’une certaine façon, il paraît logique que le (presque) nouveau Quai Branly occupe la première place du Palmarès 2010, trois ans seulement après son ouverture. Dès son origine il a été conçu pour faire venir et revenir le public, sans que sa mission scientifique en pâtisse comme en témoigne sa première place dans le sous-classement Conservation.

Industrie culturelle ? L’expression accroche. Et pourtant les musées relèvent en très grande majorité du secteur public. C’est d’ailleurs l’une des rares − peut-être même la seule − activités culturelles dans ce cas, que l’on pense au théâtre par exemple. Cela tient en partie à leur mission de conservation du patrimoine. Mieux, sur les 340 sites classés, parmi les 600 musées de beaux-arts de toutes formes, moins de 30 sont des musées nationaux. Les autres appartiennent le plus souvent aux communes qui investissent de plus en plus le champ culturel. L’exemple du Centre Pompidou-Metz est suffisamment récent pour ne pas être rappelé ici. Ainsi, quatre musées en région sont dans le Top 10, en particulier le musée des Beaux-Arts de Lyon à un point seulement du Louvre. 

Le derby des musées
Toutes les capitales régionales, ou presque, soignent leurs grands musées. Quelques derbys savoureux, et qu’il faut évidemment prendre avec humour, méritent d’être relevés. Lorsque le palais des Beaux-Arts de Lille perd 13 places, la Piscine à Roubaix en gagne 8 largement devant Lille. Rouen atteint une 7e place qu’il sera difficile de lui disputer même si Le Havre gagne un rang (23e). Angers entre également dans le Top 10, gagnant 6 places, ce qui est d’autant plus méritoire que les points sont chers dans le haut du classement.Dans le même temps, Nantes perd 7 rangs. 

Toulouse distance cette année Bordeaux. Si le musée des Augustins perd 9 places, le musée des Beaux-Arts de Bordeaux perd plus encore : 30 places. Et en art contemporain, il y a près de 100 places entre les Abattoirs (21e, 1) et le CAPC (116e, - 6). Le musée Fabre à Montpellier (16e, 3) risque fort de faire seul la course pendant longtemps, le musée des Beaux-Arts de Marseille étant engagé dans des travaux sans fin. Alors que Lyon vient taquiner les grands musées parisiens, le musée d’Art moderne de Saint-Étienne perd 8 places.

Enfin, dans l’Est, le match Alsace/Lorraine tourne à l’avantage des Alsaciens. Pas moins de neuf musées sont classés à Strasbourg, dont le MAMCS, sa tête de pont, et sa belle 9e place ( 22). En Lorraine, si le musée des Beaux-Arts de Nancy pointe à la 19e place en gagnant 6 places, les autres classés sont nettement plus loin. 

Une belle année, quoique…
Si l’on analyse la situation de plus haut, on constate que l’année 2009 a encore été une bonne année pour les musées. Le nombre total de visiteurs a augmenté de 4,34 %, s’établissant à près de 43 millions pour les musées classés. Pas mal pour un loisir exigeant, si on compare ce chiffre aux 201 millions d’entrées dans les cinémas en France.

Plus significatif, car il y a plus de 37 % d’entrées gratuites dans ce total, le nombre d’entrées payantes a augmenté de 3,15 %, ce qui reste très honorable, même en le comparant aux 5,7 % d’augmentation des entrées cinéma. Dans le même temps, les théâtres parisiens enregistrent, eux, une baisse de près de 10 %.

D’autres chiffres sont encourageants. Les recettes commerciales (302 millions d’euros) ont progressé de 8,7 % ; les 625 000 participants aux nombreuses conférences organisées dans les auditoriums sont en augmentation de 3 %. Le nombre d’ouvrages a explosé : 47 %. Plus fort encore : les acquisitions ont augmenté de 40 % pour atteindre un record de 128 millions d’euros. À eux seuls, Ingres, Goya et De Chirico, qui ont respectivement rejoint Le Louvre, Orsay et Beaubourg, représentent plus d’un tiers des enrichissements.

Pour autant, on décèle çà et là quelques signaux inquiétants. Si la fréquentation augmente, elle augmente seulement à Paris et en Île-de-France qui représente 79 % des visiteurs totaux. Ailleurs, elle est stable. Et il y a toujours un monde entre les files d’attente devant la Pyramide du Louvre et les 6 700 visiteurs payants annuels (soit 22 par jour) du musée Roger Quilliot à Clermont-Ferrand. Il faut dire que l’Île-de-France bénéficie de la manne du tourisme étranger. Cette année, le Palmarès recense les seuls visiteurs étrangers et non plus les extérieurs à la ville. Les chiffres sont édifiants. Plus d’un visiteur sur deux est un touriste étranger, en moyenne 57 %, mais ce taux peut atteindre 64 % au Louvre et 74 % au château de Versailles.

On note aussi une baisse du nombre d’expositions temporaires, un peu plus de 1 000. Les visiteurs eux-mêmes commencent à fractionner leur budget sorties : ils sont 16 % de moins à avoir renouvelé leur adhésion à une carte annuelle de musée. 

Trouver les bonnes recettes
Les nuages n’annoncent pas toujours la pluie, mais ils obscurcissent le ciel. Du côté des institutions, il est acquis que les subventions publiques de fonctionnement sont orientées à la baisse (- 3 % pour les grands établissements parisiens par exemple). Le non-renouvellement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite va contraindre les grands établissements à se réorganiser, sans parler des mouvements sociaux, comme on l’a vu au Centre Pompidou en 2009. Ce n’est pas la « casse » du service public, comme on le lit parfois sur les banderoles, mais cela ressemble fort à une pause.

Les musées vont devoir adapter la voilure et trouver encore plus de recettes privées. C’est évidemment là que le problème se pose. Les recettes de mécénat ont totalisé 65 millions d’euros en 2009, pour des budgets de fonctionnement hors frais de personnel de l’ordre de 350 millions d’euros. Or les entreprises commencent à rechigner à mettre leur nom sur les affiches des expositions. Restent les touristes étrangers. Souhaitons que le volcan islandais se tienne tranquille…

Le palmarès des musées 2010

TELECHARGER LE TABLEAU DU PALMARES DES MUSEES (PDF - 105 ko)

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Palmarès 2010 - Quel bilan de santé pour nos musées ?

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