École supérieure des arts plastiques, Monaco. Jusqu’au 30 août 2010

Carsten Höller - Rocher hallucinogène

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 18 juin 2010 - 351 mots

Attention, la fréquentation de l’École supérieure des arts plastiques de Monaco en plein été sera susceptible de provoquer des hallucinations.

Certes bénignes pour l’organisme, mais à secousses visuelles assurées. C’est que Carsten Höller est passé maître dans l’art de la berlue et des brimades optiques. 

Grand déconditionneur de nos habitudes perceptives, l’ancien scientifique continue son habile confrontation psychoactive des langages et méthodologies. En sous-texte de ses machineries : la modification de nos comportements et états physiologiques dans un environnement donné. Soumis à des épreuves scientifico-récréatives, le spectateur cobaye désapprend, puis réapprend. Rechargé d’une bonne ration de doute. 

À Monaco, l’artiste se penche à nouveau sur l’amanite tue-mouche, trésor de fantasmes maléfiques et de séduction visuelle depuis longtemps associée à l’imagerie de l’artiste. Même les chamans sibériens ont fait de son suc vénéneux un médium de prédilection : après une montée faite de tremblements entrecoupée de rires irrépressibles, l’hyperexcitation s’accompagne de visions auditives et visuelles. « Les champignons apparaissent dans mon travail depuis 1994 et les enthéogènes y jouent un rôle clef. » Enthéogènes ? Ce sont les substances qui libèrent les dieux à l’intérieur de soi. Tout un programme. 

La simple vision des chapeaux orange tachetés de blanc, d’un format gigantesque, démultipliés dans des vitrines, photographiés sous toutes les coutures, ou d’images dédoublées, aura-t-elle des effets secondaires semblables ? Dans Upside-Down Mushroom Room en 2000, le spectateur avait déjà risqué sa peau dans une salle peuplée d’amanites phalloïdes géantes dont le chapeau, mesurant entre soixante-cinq centimètres et trois mètres, tournait à des vitesses différentes. Il fallait ajouter à cet effet cinétique hypnotique la désorientation provoquée par l’accrochage tête en bas des spécimens. Passé l’effet ludique de la première découverte, la sensation de dysfonctionnement devenait rapidement prégnante et entêtante.  Tester la capacité d’adaptation du cerveau, le pousser dans ses retranchements pour dépasser une attente de perception, telle est donc la spécialité du docteur Höller, prêt à croiser une amanite avec un champignon de Paris !

« Amanite tue-mouche », École supérieure des arts plastiques de Monaco, 1, avenue des Pins, Monaco, tél. 00 377 93 30 18 39, jusqu’au 30 août 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°626 du 1 juillet 2010, avec le titre suivant : Carsten Höller - Rocher hallucinogène

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