Palazzo Strozzi, Florence jusqu’au 18 juillet 2010

Les mondes silencieux de De Chirico

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 26 avril 2010 - 351 mots

En octobre 1909, c’est précisément sur une place de Florence que De Chirico eut sa première révélation métaphysique : « Par un clair après-midi d’automne, j’étais assis sur un banc de la Piazza Croce […]. Je me trouvais dans un état de sensibilité morbide à la lumière et au bruit.

Le monde entier autour de moi, même le marbre des bâtiments et des fontaines, me semblait convalescent […]. Le soleil d’automne, tiède et sans amour, éclairait la statue et la façade de l’église. J’eus alors l’impression étrange que je voyais ces choses pour la première fois, et la composition de mon tableau me vint à l’esprit [..]. Néanmoins ce moment est une énigme pour moi. »

Ce moment d’exaltation lui inspire sa première peinture métaphysique : L’Énigme d’un après-midi d’automne. Influencé par le peintre suisse Arnold Böcklin et par la lecture de Nietzsche – « La volonté d’apparence, d’illusion, de tromperie, de devenir et de métamorphose est plus profonde, plus “métaphysique” que la volonté de vérité, de réalité, d’être » –, le jeune De Chirico ne se contente plus de transcrire sur la toile une réalité visible par tous.

Avec un goût prononcé pour l’énigme poétique, il suscite d’improbables rencontres entre des signes immuables ou intemporels : places désertes, bâtiments, arcades et tours, et des éléments périssables ou éphémères : fruits, pâtisseries, ombres portées démesurément agrandies, trains à vapeur d’où s’échappe la fumée.

Ces deux séries de signes se juxtaposent et se combinent arbitrairement, créant un étrange sentiment de malaise qui intéressera et influencera des artistes aussi divers que Max Ernst, Magritte, Balthus, Alberto Savinio ou Carlo Carrà.

« Un regard sur l’invisible » permet de confronter des œuvres contrastées, mais qui partagent une même exigence sans concession : abolir toute logique visuelle. Voyant pour la première fois Le Champ d’amour de De Chirico, Magritte ne put retenir ses larmes face à « une nouvelle vision où le spectateur retrouve son isolement et entend le silence du monde ».

« De Chirico, Max Ernst, Magritte, Balthus : Un regard sur l’invisible », Palazzo Strozzi, Florence (Italie), www.palazzostrozzi.org, jusqu’au 18 juillet 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°624 du 1 mai 2010, avec le titre suivant : Les mondes silencieux de De Chirico

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