Vers une OPEP des objets archéologiques ?

Par Jean-Christophe Castelain · L'ŒIL

Le 26 avril 2010 - 515 mots

L'Égypte a organisé, début avril, une conférence sur la restitution des biens culturels qui est un peu passée inaperçue. Pourtant cette conférence est une étape importante dans la revendication des pays qui s’estiment spoliés.

Il ne s’agit plus seulement de lutter contre le pillage des objets d’art : la convention de l’Unesco de 1970 leur fournit un instrument juridique certes encore imparfait, mais suffisamment opérationnel pour exiger des pays receleurs la restitution des pièces archéologiques volées. Ils ne s’en privent d’ailleurs pas et il ne se passe plus un jour sans que l’Italie ou un pays d’Amérique du Sud n’interdisent une vente ou ne négocient un retour avec un musée.
La conférence du Caire avait pour objet le retour des pièces soustraites avant 1970, non prévu par la convention de l’Unesco qui n’est pas rétroactive. Seuls sept pays y ont participé sur les vingt attendus, et aucun plan d’action n’a été défini. Mais il en est sorti une première liste d’objets revendiqués, dont le buste de Néfertiti, la pierre de Rosette ou le zodiaque de Dendérah du Louvre réclamés par le médiatique Zahi Hawass, chef des antiquités égyptiennes.

Les pays « spoliateurs », pour reprendre la terminologie des conférenciers, principalement la France, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et les États-Unis, doivent composer avec des demandes qui épousent peu ou prou les rapports de force. L’Égypte actionne habilement le levier des autorisations de fouilles archéologiques pour obtenir le retour d’objets, comme elle l’a fait avec le Louvre. La Chine fait monter la pression sur la restitution des meubles et des sculptures emportés lors du « saccage » du palais d’Été. On se souvient des deux statuettes de la vente Saint Laurent. Récemment, les manuscrits royaux, saisis par l’armée française en 1866 en Corée du Sud, figuraient dans l’ordre du jour d’une visite diplomatique de Bernard Kouchner dans ce pays, nouveau dragon économique. En revanche, la Grèce, pourtant membre de l’Union européenne, a peu de chance de récupérer les métopes du Parthénon exposées au British Museum, elle a besoin de l’argent de ses partenaires ou du FMI pour résoudre sa crise économique, et ne peut donc pas trop élever la voix.

Il est peu probable que la convention de l’Unesco devienne rétroactive, ce serait ouvrir la boîte de Pandore et nourrir des litiges sans fin et tendus entre pays d’origine et grands musées. On s’oriente progressivement vers une négociation au cas par cas en fonction du rapport de force. À ce titre, la conférence du Caire pourrait initier une forme d’OPEP des objets d’art.
Deux droits tout aussi légitimes s’affrontent : celui des peuples colonisés à retrouver leur histoire et ses artefacts et celui des anciens colonisateurs à conserver les chefs-d’œuvre de leurs musées. Dans un monde en quête d’identité, un masque, un reliquaire, un objet de culte ont infiniment plus de valeur que du pétrole. Il y a quelques jours, les habitants de l’île de Pâques ont refusé par référendum de prêter à la France l’une de leurs statues pour une exposition temporaire. Non par crainte de ne pas la voir revenir, mais parce que sa présence nourrit leur quotidien.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°624 du 1 mai 2010, avec le titre suivant : Vers une OPEP des objets archéologiques ?

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