L’estampe, de l’art estampillé « démocratique »

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 24 mars 2010 - 915 mots

Œuvre d’art à part entière, l’estampe est boudée par certains collectionneurs. Elle est pourtant un formidable moyen d’acquérir de l’art contemporain sans se ruiner.

Pour beaucoup d’amateurs d’art, l’art contemporain unique, même d’un artiste émergent, reste économiquement inaccessible. Avec l’estampe, un multiple mais néanmoins œuvre d’art à part entière, conçue et réalisée par un artiste à partir d’une matrice, il devient possible de collectionner. À partir de 100 euros. Mal connue, l’estampe est dès lors parfois peu appréciée face au culte de l’œuvre unique. Et pourtant, elle offre aux artistes de nouveaux champs de créativité. Les procédés, techniques et rendus de l’estampe sont variés : aquatinte, eau-forte, lithographie, sérigraphie… Chaque épreuve étant signée et numérotée.

Les prix varient en fonction de plusieurs critères. Comme pour l’œuvre unique, la notoriété de l’artiste entre en jeu, parfois poussée par un effet de mode. Comptent aussi le sujet, le format, l’état de conservation, la date de réalisation et, enfin, le nombre de tirages. La rareté d’une édition valorise l’œuvre multiple. La difficulté et le coût de la technique utilisée expliquent la différence de prix entre les jeunes artistes, à tirage égal. Par exemple, plus il y a de couleurs, plus le processus de production est onéreux.

Il existe un marché très coté de l’estampe d’après-guerre, notamment celles des artistes du Pop Art. Les multiples de Robert Rauschenberg, Jasper Johns, Frank Stella et Brice Marden sont aussi très prisés. Quant à l’art ultracontemporain, il offre un choix incroyable de multiples pour tous les goûts et tous les budgets.

« Je pense qu’aujourd’hui les œuvres d’édition sont définitivement considérées comme une opportunité supplémentaire de collectionner de l’art. Elles n’ont rien à envier aux œuvres uniques. J’en veux pour preuve le prix record obtenu cette année à Londres pour L’homme qui marche I, sculpture d’Alberto Giacometti fondue à dix exemplaires et vendue 74,2 millions d’euros, lance Jonathan Rendell, directeur international du département des Estampes chez Christie’s.

Les estampes contemporaines permettent à un plus grand nombre d’individus de posséder des œuvres d’art. Mais je mets en garde les amateurs sur la qualité de certaines estampes éditées qui sont parfois de pâles copies de ce que l’artiste peut faire dans d’autres domaines de création… »

Il faut donc apprendre à être sélectif. Et préférer des séries limitées à un nombre réduit d’exemplaires, 100 maximum, voire moins.

Les icônes du Pop Art

Les sérigraphies des années 1960 d’Andy Warhol font partie des estampes les plus recherchées. Le sujet le plus couru est l’iconique Marilyn. Si les prix démarrent à 1 500 euros pour une sérigraphie d’époque représentant un sujet peu connu, ils montent à près de 100 000 euros pour un portrait noir et argent de Marilyn.
Pour un portfolio de dix images de la blonde la plus célèbre du monde, il faut compter environ un million d’euros. Il existe aussi une importante demande pour les représentations de Mao, Flowers et Cambell’s soup, autre sujet emblématique du Pop Art. Cette planche appartient à une série de dix épreuves qui fut notamment vendue en avril 2008 à Drouot par la même maison de ventes pour 184 100 euros.

De singuliers multiples

« Depuis la création de la galerie, quelques artistes français et étrangers nous font l’honneur de suivre attentivement notre évolution et de produire régulièrement des œuvres multiples [lire interview]. Non seulement parce qu’ils se sentent concernés par notre projet d’accessibilité, mais aussi parce qu’ils trouvent dans le multiple une forme de création spécifique qui autorise un type d’œuvres différent que les pièces uniques, souligne Gilles Drouault, directeur de la galerie de Multiples.
Franck Scurti fait partie de ces artistes pour qui le multiple n’est pas seulement une proposition généreuse d’œuvres moins onéreuses (ce qui n’est pas négligeable…), mais aussi un outil spécifique de production d’œuvres singulières qui font sens dans la multiplicité. Cette sérigraphie Manger des fruits en est un exemple ».

Street Art

Promouvoir, soutenir les artistes émergents et favoriser l’accès à l’art, notamment par l’édition et la diffusion de multiples, sont les objectifs principaux de la galerie Magda Danysz. Les artistes du Street Art défendus par la galerie jouent le jeu, tels Obey, Miss Van ou West. Graffeur américain de renom, West a commencé à agir sur la ligne 1 du métro new-yorkais dès 1984. En 2001, il rompt avec le graffiti traditionnel pour s’orienter vers l’expressionnisme abstrait, sous l’influence des travaux de Franz Kline, Jackson Pollock, Robert Motherwell ou encore Clifford Still qu’il découvre.
West abandonne alors outils et couleurs traditionnels. En déconstruisant les lettres et en les superposant les unes sur les autres, il obtient de nouvelles formes, tendant vers toujours plus d’abstraction.

Spéculation

Artiste phare des années 2000, Damien Hirst (né en 1965) a vu sa cote s’envoler en quelques années pour atteindre des sommets rarement atteints par un artiste vivant. De sa série de peintures « Spot paintings » présentant des alignements de points colorés dont les titres évoquent le monde médical, l’artiste a tiré des lithographies en couleurs dont les prix ont progressé rapidement comme ses peintures. Il est probable que les acheteurs de ces estampes rêvaient d’acquérir une œuvre peinte. D’aucuns pensent aujourd’hui que Damien Hirst est un phénomène de mode dont on a déjà pu jauger les limites avec la crise. La cote de l’artiste a pris un sérieux coup depuis fin 2008.
« Le marché de Hirst subit actuellement une réévaluation et l’importance de l’artiste risque d’être remise en cause. Ses peintures, ses installations et ses estampes », indique Jonathan Rendell de chez Christie’s.

Acheter des estampes contemporaines

Galerie de Multiples, www.galeriedemultiples.com
Galerie Magda Danysz, www.magda-gallery.com
Maison de ventes Cornette de Saint-Cyr, www.cornette.auction.fr
Christie’s, www.christies.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : L’estampe, de l’art estampillé « démocratique »

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