Foires globales, un dosage complexe

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 24 mars 2010 - 773 mots

Les foires locales tentent de prendre le train de la globalisation. Mais le complexe du provincialisme reste tenace. Les foires européennes, elles, s’ouvrent lentement.

Think Global - Tel est le mot d’ordre que se sont donné les foires d’art contemporain ces dernières années. Mais ne devient pas global qui veut. Surtout, si derrière ce mot, on entend une proposition combinant de l’art occidental et extra-occidental de qualité.

La difficile internationalisation d’Art Brussels et de l’Arco
Art Brussels avait joué pendant longtemps en deuxième division et traînait un parfum sympathique mais provincial. Depuis deux ans, le profil de l’événement a radicalement évolué et de grandes galeries anglo-saxonnes comme la new-yorkaise Barbara Gladstone ou la Londonienne Lisson y ont fait leur entrée. Bruxelles étant un véritable carrefour pour l’Europe, la ville a attiré de nombreux artistes étrangers comme Jota Castro et Marie-José Burki. Néanmoins, la foire n’a pas encore atteint le stade le plus mature de l’internationalisation car le public reste encore majoritairement belgo-français.

De son côté, la foire madrilène de l’Arco avait longtemps attiré de nombreux visiteurs internationaux grâce à son programme de forums conviant les conservateurs et directeurs des musées les plus prestigieux. À cela s’ajoutait la formule du pays invité. Néanmoins, l’événement lui-même restait majoritairement hispanique, le marché ibérique, encore jeune et au goût très local, étant trop incertain pour les galeries étrangères.

Bien sûr ce type d’événement est le premier à souffrir de la crise économique, car il n’apparaît pas comme un must pour les galeries internationales qui rationalisent leurs budgets foire. Les collectionneurs eux-mêmes préfèrent visiter des manifestations internationales où les découvertes sont plus variées.

Une globalisation teintée de folklore à Dubaï et en Chine
La question du global se pose tout autant pour les foires organisées dans les pays émergents. Ces manifestations ont le mérite de l’exotisme et de la curiosité, mais elles aussi, succombent souvent au tropisme local. Art Dubaï se veut global en prenant pied dans un émirat carrefour entre le Moyen-Orient, l’Inde et le Pakistan où 80 % des résidants sont étrangers. Mais pour l’heure l’événement reste régional, faute d’une participation occidentale suffisante. Et encore le régional n’est pas toujours à la hauteur des standards internationaux de qualité et vire parfois au folklore.

Même constat pour ShContemporary, dont la première édition en 2007 maintenait un équilibre entre 60 % de galeries asiatiques et 40 % de galeries occidentales. Mais dès la deuxième édition, le contingent international a reculé pour être quasi inexistant l’an dernier. Si cette vision jouant sur une dimension à la fois centripète et centrifuge a pu sombrer dans le provincialisme, c’est que le marché chinois reste encore très protecteur et timidement intéressé par l’art contemporain des autres pays.

Car une foire ne peut être internationale que lorsque le terreau de collectionneurs est suffisamment solide pour attirer les galeries étrangères. Celles-ci drainent du coup dans leur sillage des acheteurs internationaux, dont la présence donne un tour global à l’événement.
En Europe, à Paris et à Bâle,

Une mondialisation mesurée
Bien que les périmètres du monde de l’art ne cessent de s’élargir, les foires les plus importantes ne cèdent pas forcément à l’exotisme. Ou selon le point de vue, ne dérogent pas à leur ethnocentrisme. La Foire internationale d’art contemporain (Fiac) a intégré ces dernières années deux galeries indiennes, Chemould Prescott et Nature Morte, ainsi qu’une enseigne chinoise, Shanghart. Mais elle ne s’est pas encore ouverte à l’Afrique du Nord ou au Moyen-Orient. L’Europe centrale pourtant voisine ne s’y est pas encore taillé de place, si ce n’est via des galeries françaises comme gb agency montrant des artistes de cette aire géographique.

De même, la Foire de Bâle ne s’engage que prudemment dans le train de la mondialisation, en accueillant, principalement dans la section statements, chaque année une ou deux galeries asiatiques ou polonaises. L’universalisme et le cosmopolitisme ont leurs limites. L’élargissement ne peut s’opérer qu’à doses homéopathiques faute de place. Surtout, les grands raouts ne peuvent se couper de leur cœur de cible, qui reste le public occidental.

Repères

Art Basel
Du 16 au 20 juin 2010. 304 galeries, dont 90 % ne sont pas suisses.

Fiac
Du 21 au 24 octobre 2010. 203 galeries, dont 63 % d’étrangères (chiffres 2009).

Art Brussel
Du 23 au 26 avril 2010. 174 galeries, dont près de 80 % ne sont pas belges.

St’art Strasbourg
78 galeries, dont près de 40 % sont étrangères (chiffres 2009).

Art Dubaï
Du 18 au 20 mars 2010. 70 galeries, dont 90 % ne sont pas dubaïotes.

Arco
221 galeries dont 65 % ne sont pas espagnoles.

Art Paris
Du 18 au 22 mars 2010. 106 exposants, dont 33 % sont étrangers.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : Foires globales, un dosage complexe

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