Schönberg - De la baguette aux pinceaux

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 23 mars 2010 - 364 mots

« Je transpose la musique en formes et en couleurs, et c’est tout… » Tel est, sobre et péremptoire, l’explication que le compositeur Arnold Schönberg (1874-1951) fournit sur sa peinture. Telle pourrait être, limpide et programmatique, le sous-titre de l’exposition, riche d’une cinquantaine d’œuvres décisives, que les Abattoirs de Toulouse consacrent à l’artiste autrichien. Enfin.

Entre xixe et xxe siècle, entre pensée crépusculaire et aube radieuse, Vienne s’affirme comme un épicentre intellectuel où règnent l’harmonie cosmopolite, la Sécession majuscule et l’Apocalypse joyeuse. Schönberg, lui, n’y règne pas encore par sa seule musique, bientôt atonale et dodécaphonique, débarrassée des oripeaux de la vraisemblance et de la tradition académiques.

C’est l’exercice assidu du pinceau, pratiqué avec l’audace des dilettantes, qui va lui permettre de concilier l’immatérialité de la forme musicale avec la plasticité de la matière. Proche de Richard Gerstl et d’Oskar Kokoschka, le compositeur s’improvise peintre et, sondant les replis de l’âme (Mains, 1910), livre des œuvres d’autant plus singulières qu’elles échappent à toute taxinomie.

Certes, ce Regard (1910) exorbité et ensanglanté évoque le symbolisme ; certes, cette Haine (1910), le visage révulsé et le buste perforé par un éclat d’obus solaire, fait songer à l’expressionnisme ; certes, l’abstraction n’est jamais loin. Mais les toiles et les dessins de Schönberg, comme ses partitions, se soustraient aux systèmes et refusent les prescriptions. Vénéneuse, sa peinture dit la musicalité de l’inconscient, l’adagio de la douleur, les dissonances de la psyché (Autoportrait, 1910). Ad libitum.

Munich, 1er janvier 1911. Vassily Kandinsky assiste, bouleversé, à un concert donné par Schönberg, ce compositeur de génie qui deviendra bientôt un ami indéfectible. Dérouté par cette musique radicalement nouvelle, par cette « voie qui mène directement à l’essentiel », le Russe réexamine alors sa peinture et, avec, revoit le titre de ses œuvres – désormais toutes baptisées « tonalité », « sonorité » ou « composition ». La peinture venait de vivre l’une de ses plus grandes transfigurations. Alban Berg et John Cage, tous deux élèves de l’Autrichien, se chargeront quant à eux de révolutionner la musique. Prestissimo.

« Arnold Schönberg. Visions et regards », les Abattoirs, 76, allée Charles-de-Fitte, Toulouse (31), tél. 05 62 48 58 00, jusqu’au 9 mai 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : Schönberg - De la baguette aux pinceaux

Tous les articles dans Expositions

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque