Gustave Moreau, sculpteur oublié

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 23 mars 2010 - 352 mots

PARIS

L’exposition fera date. Parce qu’elle est inédite, bien sûr, mais parce qu’elle est décisive, surtout. En présentant et analysant les quinze sculptures de cire réalisées par Gustave Moreau (1826-1898) lors de sa carrière, le musée de la rue Rochefoucauld révèle l’importance de la tridimensionnalité dans l’œuvre du peintre et dévoile les arcanes du génie. Magistral.

On savait Gustave Moreau brillant, étincelant, ensorcelant. On le découvre aujourd’hui scrupuleux, méthodique. On savait l’extravagante beauté de la toile Jacob et l’Ange (1878), on découvre aujourd’hui l’éblouissante sculpture qui lui est rattachée : une petite composition de cire, d’un brun jaspé qui paraît rutiler comme les pigments de la peinture. Quel médium précède l’autre ? Pour l’heure, nul ne sait. Tout juste mesure-t-on la fragilité de l’armature métallique qui, révélée par une récente radiographie, dessine le squelette de ces petits monuments de cire.

C’est que Moreau se passionne pour la sculpture, depuis son second séjour en Italie (1857-1859), où il copie sans relâche les chefs-d’œuvre de l’Antiquité et de la Renaissance (Laocoon, Pasquino), jusqu’à son admiration pour le « somnambulisme idéal » de Michel-Ange (La Nuit, L’Esclave mourant). Véritable dictionnaire de formes, la sculpture enthousiasme le peintre, certain d’y pouvoir démontrer sa « science dans le rythme et l’arabesque des lignes ». Dont acte : enturbannée de tissu, la Salomé (1876) en cire est troublante de modernité et, voisine de la Petite Danseuse de 14 ans de Degas (avant 1881), elle donne à voir la fascination photographique de l’artiste pour le réel.

Quel médium influence l’autre ? C’est parce qu’elle se nourrit d’admirables « trucs » que la magie de Gustave Moreau est ineffable ; et c’est parce qu’elle ignore la sculpture que la prose de Huysmans peut laisser entrevoir des horizons inexplorés s’agissant de ce « de ce païen mystique, de cet illuminé qui pouvait s’abstraire assez du monde pour voir, en plein Paris, resplendir les cruelles visions, les féeriques apothéoses des autres âges ».

« Gustave Moreau, l’homme aux figures de cire », musée Gustave Moreau, 14, rue de La Rochefoucauld, Paris IXe, tél. 01 48 74 38 50, www.musee-moreau.fr, jusqu’au 17 mai 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°623 du 1 avril 2010, avec le titre suivant : Gustave Moreau, sculpteur oublié

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