Les bonnes affaires du dessin ancien

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 23 février 2010 - 749 mots

Même si les bonnes affaires en matière de dessin sont devenues rarissimes, les collectionneurs peuvent encore miser sur certaines périodes délaissées.

Le dessin est souvent considéré comme l’antichambre d’une collection de tableaux. Antichambre, car les valeurs sont souvent bien inférieures à celles des toiles, excepté dans des cas rarissimes comme celui de Raphaël, dont une feuille s’est adjugée pour 29,2 millions de livres sterling en décembre dernier. Derrière les gros chiffres, des bataillons d’artistes enregistrent des prix autrement plus accessibles. Certaines catégories de feuilles valent moins cher que d’autres, question de mode bien souvent.

L’école de Barbizon n’a plus la cote
Les bourses les moins déliées peuvent aussi opter pour les dessins académiques, désavoués pour leur gaucherie ou leur raideur. Ces derniers excèdent rarement quelques centaines, voire milliers d’euros. Sauf évidemment quand la pièce est une œuvre de jeunesse d’un grand peintre comme Pablo Picasso.
 
De même, si tant est qu’on en ait le goût, les paysages romantiques et les forêts obscures de l’école de Barbizon, autrefois prisés par les acheteurs américains, sont en souffrance. Même les figures de proue comme Théodore Rousseau ou Jean-François Millet ont vu leur prix fortement baisser. En 1990, un pastel représentant une bergère et son troupeau, par Millet, s’est adjugé pour 418 000 dollars chez Christie’s. En avril 2007, le même dessin s’est revendu pour 276 000 dollars. Les dessins de Théodore Rousseau s’échangent quant à eux pour la plupart entre 10 000 et 20 000 dollars.

Les « élèves de » ont aussi plus de mal à se faire une place au soleil. Même s’ils ont une carrière propre, voire un musée monographique, comme c’est le cas d’Émile-Antoine Bourdelle. Les dessins de ce disciple et collaborateur de Rodin restent extrêmement abordables. Empreintes d’archaïsme grec, ses feuilles sont pour la plupart dépourvues du côté massif et monumental qui caractérise une bonne partie de sa statuaire. Voilà quelques années au Salon du dessin, la galerie Terrades proposait pour 9 000 euros une gouache représentant une amazone. D’autres spécimens du sculpteur frisent les 20 000 euros.

Le dessin italien, plus prisé que son équivalent hollandais
Autre niche intéressante à explorer, le dessin d’architecture. À qualité égale, un très beau dessin d’architecture, négocié entre 7 000 et 15 000 euros, vaut moins cher qu’une esquisse d’un artiste célèbre. C’est qu’un dessin d’architecture est très cérébral, intellectuel, parfois cabalistique. Le trait semble appliqué. En marge des architectures pures et dures, l’amateur moins rigoriste peut succomber devant les représentations plaisantes de villes.

Le dessin hollandais n’a pas non plus la même faveur que celui d’Italie. Le ticket d’entrée se situe souvent entre 5 000 et 20 000 euros, alors qu’il faut miser deux fois plus sur des feuilles italiennes de même calibre. La production de dessins des écoles du Nord ayant été abondante et répétitive au xviie siècle, les acheteurs se montrent très sélectifs.

Dans les dessins italiens, tout n’est pas prisé de la même façon. Les artistes génois ont ainsi longtemps été dépréciés. Reconnaissable à ses compositions schématiques avec des têtes géométriques, Luca Cambiaso observe une cote en dents de scie, avec quelques frémissements récents. Il a ainsi décroché son record le 27 janvier chez Sotheby’s, avec une représentation de la Sainte Famille adjugée pour 53 125 dollars. Six ans plus tôt, le même dessin s’était adjugé pour 30 000 dollars.

L’école florentine est un grand vivier d’artistes abordables comme Cecco Bravo ou Baldassare Franceschini dit il Volterrano. Les prix du premier varient entre 8 000 et 75 000 dollars, tandis qu’un joli dessin du second peut se trouver pour 15 000 dollars. Dans l’ombre de Michel-Ange, on repère Baccio Bandinelli, artiste sous-évalué en raison de son aspect répétitif. Reconnaissables à leurs hachures gorgées d’encre, ses dessins à la plume sont pourtant d’une grande adresse. Les collectionneurs commencent à sortir de leur réserve. Une de ses compositions particulièrement fougueuses a décroché 84 000 livres sterling en 2007 chez Christie’s. La raréfaction aidant, les spécialistes révisent leurs jugements de valeur…

Repères

Le néo-classicisme
Développé entre 1750 et 1830, ce mouvement qui recherchait la perfection de la ligne et la simplicité de l’antique a souffert de la désaffection des collectionneurs américains.

L’école de Barbizon
Fondé par Corot, Rousseau et Millet, ce mouvement se dessine en opposition au néoclassicisme et cherche à se ressourcer dans la nature. Cette école a également pâti du changement de goût des Américains.

Les dessins hollandais
Plus finies que les dessins italiens, moins inspirées aussi, les feuilles hollandaises ne suscitent pas autant d’engouement, sauf dans le cas des grands artistes comme Rembrandt.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°622 du 1 mars 2010, avec le titre suivant : Les bonnes affaires du dessin ancien

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