École d'art

Écoles : bien choisir sa filière culturelle

Par Sophie Flouquet · L'ŒIL

Le 22 février 2010 - 1848 mots

Avec le mois de mars vient le moment des interrogations pour les futurs étudiants des filières artistiques et culturelles : quel cursus privilégier ? Pour quels débouchés ? Un dossier à l’attention des candidats et une plongée dans les coulisses des formations pour les autres.

Vous souhaitez devenir commissaire-priseur, graphiste ou « curateur » ? Alors il vous faudra opter pour la filière artistique et culturelle. Une voie qui mène à de nombreux métiers attractifs, mais qui est aussi réputée pour son parcours semé d’embûches. Car contrairement à certaines filières où les formations sont assez clairement identifiables et le chemin est tracé, le marché du travail dans le secteur des arts et de la culture est en effet alimenté par une multitude de formations différentes, chacune ayant sa spécificité.

Définir son projet professionnel
Public et privé – attention aux établissements hors contrat –, université ou établissements relevant de la tutelle du ministère de la Culture ou de l’Enseignement supérieur, voire parfois des collectivités territoriales, petites et grandes écoles, en taille mais aussi en termes de notoriété, formations courtes ou longues... Une diversité institutionnelle qui ne facilite pas l’orientation des candidats. D’autant plus que les propositions d’emplois ne sont pas toujours proportionnelles au nombre de formations. À l’heure où les écoles mènent leur opération séduction afin d’attirer les candidats pour l’année scolaire 2010-2011, dans le cadre de journées portes ouvertes ou d’autres campagnes de promotion, il n’est donc pas inutile de tenter de clarifier ce panorama, sans prétendre à l’exhaustivité.

Car choisir une formation relève avant tout d’un projet professionnel. C’est donc celui-ci qui devra d’abord guider l’orientation vers un cursus adéquat. Outre le spectacle vivant (cinéma, audiovisuel, danse, théâtre) et la musique – que nous n’aborderons pas ici –, le secteur culturel et artistique couvre plusieurs domaines d’activité : métiers des musées et de l’exposition (conservateur de musée, commissaire d’exposition indépendant...), du patrimoine (conservateur, archéologue, restaurateur, animateur du patrimoine...), de l’architecture ou du paysage, métiers relevant des arts plastiques et des arts appliqués – où la pratique artistique est de rigueur –, métiers du commerce de l’art (commissaire-priseur, galeriste) ou encore de l’édition (critique d’art) et de la communication (médiation culturelle, attaché de presse...).

IUP, IUT et écoles spécialisées
Généraliste, l’Université propose un catalogue étoffé de formations. Outre la voie classique en histoire de l’art, indispensable pour tous ceux qui veulent s’engager dans l’enseignement et la recherche, mais aussi vers les métiers liés aux musées, de nombreuses spécialisations sont également proposées. Accessibles respectivement après le bac ou à bac 2, IUP (institut universitaire professionnalisé) et IUT (institut universitaire de technologie), mais aussi masters spécialisés permettent l’acquisition de connaissances scientifiques et techniques dans le domaine du livre et de l’édition, du patrimoine et du tourisme, de la médiation et de l’ingénierie culturelle. Dans ce dernier registre, une étude récente du ministère de la Culture et de l’Observatoire des politiques culturelles, publiée en 2008, a toutefois souligné le manque d’adéquation entre ces formations, dont plus de deux cent quatre-vingts ont été recensées dans l’Hexagone, et la réalité d’un marché du travail devenu très concurrentiel.
 
Pour ceux que l’Université effraierait du fait de l’autonomie qu’elle exige des étudiants, il existe également de nombreuses écoles spécialisées susceptibles d’ouvrir ensuite vers d’autres voies. Ainsi de l’École du Louvre, accessible postbaccalauréat après un test d’aptitude, qui ne requiert pas de connaissances spécifiques en histoire de l’art. Très orientée vers la culture des œuvres d’art, l’école forme en trois années de bons historiens de l’art généralistes, qui pourront ensuite poursuivre des cycles spécialisés en muséographie au sein de l’école. Les étudiants y bénéficient d’un environnement privilégié : école moderne et bien équipée, proximité des grands musées parisiens, où sont dispensés de nombreux travaux dirigés.

Cette formation ne sera toutefois pas suffisante pour exercer dans les musées, où la plupart des postes, relevant de la fonction publique d’État ou territoriale, sont accessibles après concours. Le plus relevé d’entre eux est celui de conservateur du patrimoine. Ouvert en théorie à un simple niveau bac 3, il est en réalité davantage l’affaire de jeunes très diplômés, souvent passés par une classe préparatoire spécifique. « Les candidats au concours sont de plus en plus souvent de jeunes doctorants », reconnaît-on à l’Institut national du patrimoine, qui forme les futurs conservateurs. La concurrence est donc rude, cela alors que la réduction du nombre de fonctionnaires rend les postes plus rares et la mobilité moindre. Ces contraintes obligent les musées à recruter davantage de contractuels pour des missions précises, mais ceux-ci devront souvent s’accommoder d’un statut de vacataire, avec la précarité que cela suppose.

Médiation culturelle et curating
Les déçus des concours – ou ceux que la fonction publique rebute – pourront toujours se tourner vers une kyrielle d’autres métiers, en complétant leur parcours par une spécialisation. Le marché de l’art représente ainsi un vivier d’emplois. Mais pour devenir commissaire-priseur, il faudra impérativement obtenir un double diplôme en histoire de l’art et en droit, avant de passer un examen d’aptitude, lui aussi élitiste, sésame pour l’accès au stage professionnel obligatoire.

La médiation culturelle, champ qui s’est fortement développé en dix ans et qui recouvre aujourd’hui des réalités très différentes, pourra quant à elle s’acquérir dans le cadre de masters, mais aussi de formations plus ciblées. Ouverte en 1987, l’École du Magasin de Grenoble, adossée à un centre d’art, forme ainsi tous les ans une dizaine d’étudiants – sélectionnés postmaster sur dossier et entretien – aux pratiques dites « curatoriales », c’est-à-dire à la conception d’expositions d’art contemporain. Mais là encore, la formation n’est pas une garantie d’emploi, et pour réussir à percer en qualité de commissaire d’exposition indépendant, il faudra faire preuve d’abnégation et jouir d’un solide réseau...

Enfin, pour tous ceux dont le projet professionnel n’est pas encore précisément défini, quelques écoles privées parisiennes, qui alignent toutefois des frais de scolarité assez élevés, dispensent un enseignement plus généraliste qui irrigue différents secteurs professionnels. Ainsi de l’Icart, qui cible davantage le marché de l’art, de l’EAC ou encore de l’Institut d’études supérieures des arts (IESA). Créé en 1985, ce dernier forme des professionnels dans trois spécialités : expertise et marché de l’art, métiers de la culture et de l’événement, et multimédia. Outre un enseignement plus pointu qu’à l’université dans certaines disciplines indispensables, comme les langues, cette école offre à ses élèves la force de son réseau, sur le modèle des écoles de commerce.

Architecture et arts appliqués
Plus spécifiques, les écoles destinées à former de véritables créateurs sont aussi très disparates et accessibles en général après des concours plutôt relevés. Seuls les futurs architectes suivent une voie assez tracée. Les impétrants ont en effet le choix entre vingt écoles publiques, accessibles sur concours et délivrant le diplôme d’architecte DPLG (diplômé par le gouvernement), et deux écoles privées délivrant un diplôme reconnu par l’État : l’École spéciale d’architecture (ESA), à Paris, et l’Institut national des sciences appliquées de Strasbourg (INSA). Les rares écoles nationales de paysagisme, situées à Versailles, Marseille, Bordeaux et Lille, sont en revanche de fait plus élitistes. Le taux de réussite au concours commun, ouvert aux étudiants de niveau bac 2, est de 27 % et l’affectation est déterminée en fonction des vœux du candidat et de son classement. Attention toutefois à la disparité des coûts de scolarité entre ces écoles qui sont pourtant toutes publiques, mais qui dépendent de tutelles différentes (de 290 euros à 1 275 euros de frais annuels).

Les aspirants designers ont également le choix entre plusieurs écoles d’arts appliqués de très haut niveau, qui forment également aux métiers de l’architecture d’intérieur, du graphisme ou de la scénographie. Parmi celles-ci, on dénombre deux écoles publiques très sélectives, l’École nationale supérieure des arts décoratifs (ENSAD) et l’École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI), davantage tournée vers la création industrielle et le design textile. Quelques écoles privées, très réputées, sont aussi très onéreuses : Camondo (7 200 euros par an pendant cinq ans) ou encore l’ESAG Penninghen (jusqu’à 9 600 euros l’année). D’autres établissements sont plus spécifiquement dédiés aux métiers d’art (lire encadré p. 27).

Enseignements artistiques
Reste enfin le réseau de la cinquantaine d’écoles d’art proprement dites dont ne sortent pas, contrairement aux idées reçues, que des plasticiens – ils ne représentent que 5 % des diplômés –, mais aussi des professionnels de l’audiovisuel, du cinéma, de la publicité, de l’édition, de la communication, du design, des arts décoratifs, de l’architecture d’intérieur, de l’enseignement ou de la médiation culturelle... D’Aix-en-Provence à Cherbourg, en passant par Valenciennes ou Tours, le réseau des écoles d’art constitue un véritable maillage territorial – qui hélas induit aussi parfois des différences de niveau. Certaines écoles relèvent directement du ministère de la Culture, comme la plus prestigieuse d’entre elles, l’École nationale supérieure des beaux-arts de Paris (ENSBA), d’autres, de collectivités locales, villes ou communautés d’agglomérations.

Intégrer ces écoles requiert une certaine maturité des candidats en termes d’expression plastique, un dossier personnel étant exigé. Nombreux sont donc les bacheliers à opter pour une classe préparatoire. Une voie qui n’est pas obligatoire, mais qui rencontre un grand succès… commercial, même si les résultats ne sont pas toujours au rendez-vous, pour des frais de scolarité élevés (environ 5 000 euros l’année). Mieux vaut donc bien se renseigner avant de s’engager. Et là encore, l’Université propose sa propre filière arts plastiques, qui associe enseignement théorique et pratique, voie souvent empruntée par des étudiants qui intègrent ensuite une école d’art, mais aussi par ceux qui aspirent à enseigner. Car contrairement à l’histoire de l’art, il existe une agrégation d’arts plastiques.

Dans ce maelström des formations, une seule chose reste valable quelle que soit la voie choisie : avoir une motivation et un engagement personnel indéfectibles pour développer une solide culture générale, mais aussi multiplier les expériences professionnelles – ou artistiques – concrètes.

Métiers d’art, un secteur en pleine revalorisation

Olivier-de-Serres, Éstienne, Boulle, Duperré... Autant d’écoles parisiennes prestigieuses qui forment toutes des professionnels des métiers d’art. Les meilleurs ébénistes, doreurs, ciseleurs, graveurs, brodeurs ou marqueteurs sont issus de leurs rangs, mais aussi de nombreux architectes d’intérieur et designers qui ont commencé leur parcours par ces métiers des arts appliqués.

Ces quelques écoles, qui délivrent des diplômes supérieurs (DMA, diplôme des métiers d’art, et DSAA, diplôme supérieur des arts appliqués), représentent ainsi le haut du panier des cursus dédiés aux métiers d’art. Mais elles sont aussi la partie émergée d’un ensemble de formations dans lequel il est difficile de se repérer.

Aucune plateforme commune d’orientation n’est en effet proposée aux élèves. Et pour cause : alors que l’apprentissage y reste encore dominant, cette voie a longtemps été considérée comme la punition pour des élèves en difficulté scolaire. Or si les CAP, accessibles à partir de 16 ans, sont très nombreux – il en existe près de quatre-vingts spécialisés dans les métiers d’art –, les lycées professionnels accueillent aussi, dans certaines disciplines très pointues, de plus en plus d’élèves issus de l’Université attirés par la possibilité de se former à un métier concret qui offre aussi une certaine liberté dans l’exercice de son activité en qualité d’artiste ou d’artisan. À condition d’avoir du talent !

Liste complète des formations aux métiers d’art :
www.lycee-pasteur.com/sitenational/ouvoiepro.html

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°622 du 1 mars 2010, avec le titre suivant : Écoles : bien choisir sa filière culturelle

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