Ron Arad, l'art du design

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 26 janvier 2010 - 437 mots

Par leur beauté plastique et leur innovation formelle, les créations du designer font voler en éclats la frontière qui existait entre art et design. Un coup de maître.

Est-ce une sculpture ou un siège  ? Telle est la question que l’on peut se poser devant les créations de Ron Arad. L’architecte designer adore entretenir un flou artistique entre les différents domaines de création. Ce n’est pas un hasard si ce créateur atypique a conquis un public de collectionneurs d’art contemporain avant même d’intéresser les amateurs de design.

Bien que libre, le répertoire des formes de Ron Arad est caractérisé par des lignes courbes et des volumes sculpturaux aux allures organiques. À quoi s’ajoute un langage formel lié à ses recherches incessantes sur les matériaux dont il repousse les limites au maximum. Pour cela, il utilise des procédés de fabrication empruntés aux industries automobiles, aéronautiques et même médicales. Le nombre de pièces fabriquées qui ne dépasse pas celui de la petite série (six, douze, dix-huit ou vingt exemplaires) est déterminé par la complexité des techniques de production employées. De même, les coûts de production importants entraînent des prix de vente élevés qui atteignent facilement 200 000 à 300 000 euros pour un siège en pièce unique.

Pièces uniques et production en série
Ron Arad a ainsi expérimenté un procédé de gonflage d’un alliage d’aluminium superplastique chauffé à 500 degrés et le façonnage d’objets à partir de poudre polyamide frittée et fusionnée par l’énergie du laser. Cette technologie, issue du domaine médical de la fabrication de prothèses, lui a par exemple permis de concevoir la suspension « Ge-Off Sphere » en 2000. Sa recherche de matières innovantes pour élaborer de nouvelles formes l’a aussi conduit à travailler la fibre de carbone ou d’aramide en structure en nid-d’abeilles, le Corian, l’acrylique taillé ou encore le silicone moulé sur une structure en aluminium.

À côté d’une production de pièces uniques et de petites séries numérotées, prisées des collectionneurs, Ron Arad a su séduire le grand public avec un certain nombre d’objets destinés à la fabrication de masse. Les plus connus sont la bibliothèque murale « Bookworm » chez Kartell et la chaise empilable « Tom Vac » en plastique moulé avec un piétement en acier chromé, éditée chez Vitra à partir de 1999.

Maisons de ventes

Galerie Downtown, 33, rue de Seine, Paris VIe, tél. 01 46 33 82 41, www.galeriedowntown.com

Maison de ventes Camard & Associés, 18, rue de la Grange-Batelière, Paris IXe, tél. 01 42 46 35 74, www.camardetassocies.com

Maison de ventes Phillips de Pury & Cie, 15, rue de la Paix, Paris IIe, tél. 01 42 78 67 77, www.phillipsdepury.com

Ron Arad pour tous
Outre l’édition en nombre de pièces limitées, Ron Arad a voulu adapter ses créations à une production industrielle de grande distribution. À ce titre, la bibliothèque « Bookworm » reste son plus gros succès commercial. Elle est d’abord conçue (en série limitée) en acier et selon le principe d’une ligne ondulante flexible constituée de plusieurs tronçons de rayonnages, bouleversant les habitudes d’horizontalité. En 1993, elle est fabriquée en PVC teinté dans la masse et distribuée à grande échelle par l’éditeur Kartell qui la propose en trois longueurs différentes. La bibliothèque « Bookworm » prend la forme désirée sans pour autant compromettre la résistance et le caractère fonctionnel. Il s’en produirait aujourd’hui 1 000 km par an.
Bibliothèque murale « Small Bookworm », Ron Arad, étagère en lame d’acier patiné noir à dix blocs rectangulaires, édition Ron Arad Studio, dimensions : 640 x 20 cm.
Adjugé 9 790 euros, le 12 octobre 2009, maison de ventes Camard, Paris.

Sièges sculptures ou sculptures sièges
Fruit de plusieurs années de recherches, le fauteuil « Bodyguard » naît en 2006. Il est conçu en alliage d’aluminium superplastique chauffé à 500 degrés et soufflé comme un ballon dans des moules d’acier, puis découpé et poli miroir. La technique utilisée vient d’une machine issue de l’industrie automobile et de l’aéronautique que Ron Arad découvre en 1998. Il l’expérimente d’abord sur une série de vases « Boop ». Il obtient des œuvres futuristes aux formes incroyables et uniques, ressemblant davantage à des sculptures qu’à des vases. De même pour ses sièges. Du fait de leur complexité de fabrication et de leur coût de production, les sièges « Bodyguard » ont un prix très élevé.
Siège « Bodyguard 3 », Ron Arad, 2007, pièce unique en aluminium poli et anodisé rouge, dimensions : 170,2 x 83,8 x 134,6 cm.
Prix : sur demande, galerie Friedman Benda, New York.

Bienvenue au Club
En 1986, Ron Arad revisite le traditionnel fauteuil Club. La « Well Tempered Chair », formée de quatre bandes en acier inoxydable cintrées et vissées grâce à des boulons, est le point de départ d’une série de variations sur cette pièce emblématique de l’histoire du mobilier. En acier patiné ou en fibre de carbone, le « Big Easy » naît en 1988, suivi du « Big Soft Easy » qui est découpé dans du polyuréthane souple expansé et recouvert de textile. En 1999, est créée la « New Orleans Chair » peinte à la main par l’artiste à l’intérieur du moule avec un gel coat polyester imprégné de pigments, avant l’injection du polyester nécessaire à sa fabrication. En 2002, apparaît la « Bad Tempered Chair » aux lignes identiques au modèle d’origine, mais fabriquée en fibres de verre et de carbone trempées dans une matière synthétique. En 2003, le « Big Easy » fait son retour sous le nom de « Big E » dans une version en polyéthylène recyclable rotomoulé.
Fauteuil « New Orleans », Ron Arad, 1999, polyester pigmenté, gel coat et fibre de verre, signé et daté sur le bas et l’arrière du fauteuil « Ron Arad London 99 », contresigné sur le côté « Ron Arad », inscription au dos : « You think you have a plan but all », édition de 18 pièces uniques, éditions Ron Arad Associates, hauteur : 95 cm, largeur : 135 cm, profondeur : 53 cm.
Adjugé 93 480 euros, le 2 décembre 2008, Artcurial, Paris.

L’art de la ligne ondulante
Le ruban est une forme particulièrement associée au créateur. Démonstration avec sa chaise « Papardelle » dont la structure est un ruban enroulé ininterrompu. La « Papardelle » tire son nom des pâtes italiennes plates très larges et longues. Sa nappe en mailles d’acier lui donne une grande flexibilité : en la prolongeant au sol, on obtient un tapis. En la roulant, on se crée un repose-pieds. Pour le galeriste François Laffanour, « La London Papardelle symbolise le mieux l’intelligence technique ainsi que la dimension baroque et moderne du travail d’Arad ».Siège « London Papardelle », Ron Arad, 1992, bronze, fauteuil à bâti autoporteur tendu de mailles de bronze, se déroulant sur plusieurs mètres, signé et numéroté, édition One Off à 6 exemplaires, longueur : 280 cm, hauteur : 101 cm, largeur : 59 cm.
Prix : sur demande, galerie Downtown, Paris. 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Ron Arad, l'art du design

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