Musée d’Art moderne de la Ville de Paris/Arc. Du 5 février au 25 avril 2010

Question de timing

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 janvier 2010 - 358 mots

Lorsque Elaine Sturtevant a débarqué à New York pour sa première exposition en 1965, c’était peut-être un peu trop tôt pour le monde de l’art. Celui-ci resta estomaqué par l’outrecuidance de cette trentenaire qui présenta avec insolence son activité si particulière dont elle ne s’est pas départie depuis.

En effet, à 80 ans, elle continue comme une jeune femme à re-faire de mémoire des œuvres de Warhol, Duchamp, Beuys et consorts, le tout avec la plus grande décontraction. Il ne s’agit pourtant pas de copie, pas plus de contrefaçon. D’hommages ? Non plus. La plongée dans le monde re-présenté par Sturtevant aborde surtout la question centrale de l’authenticité. Et dans une société qui affiche les plus grandes réticences envers le diktat de l’originalité, la position de cette artiste a gardé toute sa verte vigueur.
 
Paris rattrape enfin son retard et offre sa première véritable rétrospective à une artiste installée depuis des lustres dans la capitale. Elle est cependant habituée à de tels rendez-vous manqués puisque ce n’est qu’en 2004 qu’un musée d’importance (à Francfort) daigna s’intéresser enfin à son œuvre. Pour « The Razzle Dazzle of Thinking », en français « La pensée tape-à-l’œil », des pièces majeures – Mille deux cents sacs de charbons de Duchamp (1992, ci-dessous), Haring Untitled (1987) – se mélangent à des « nouveautés » (si tant est que le concept soit juste dans le cadre de son travail) comme La maison des horreurs. Une installation qui annonce train fantôme et apparitions de John Waters, Paul McCarthy et Frankenstein !
 
En vampirisant les grands maîtres (tous des hommes), dame Sturtevant a tordu le cou aux affres de l’inspiration, éradiqué les tourments de la création et dédaigné la posture du génie. Postmoderne avant l’heure, l’artiste continue à afficher une pertinence troublante et déstabilisante. Une leçon qui arrive à point nommé au terme d’une décennie qui n’a cessé d’abreuver le spectateur en clins d’œil, montages et citations. Histoire de remettre les pendules à l’heure en quelque sorte !

Voir

« Elaine Sturtevant, The Razzle Dazzle of Thinking », musée d’Art moderne de la Ville de Paris/Arc, Paris XVIe, www.paris.fr, du 5 février au 25 avril 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Question de timing

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