Vive l’orfèvrerie contemporaine

Par Armelle Malvoisin · L'ŒIL

Le 22 décembre 2009 - 422 mots

Qu’on se le dise, la création contemporaine en orfèvrerie est bien vivante ! Quelques artisans et de nombreux designers lui ont donné un nouveau souffle...

Loin des pastiches des styles Louis XV et Louis XVI qui hantent encore les listes de cadeaux de mariage, il existe une création actuelle dans l’argenterie. Mais elle demeure, particulièrement en France, dans un circuit et un marché assez confidentiel.

L’orfèvrerie contemporaine peut se diviser en deux catégories. Elle comprend des pièces dessinées et réalisées par de rares orfèvres comme Roland Daraspe, Xavier Rémon-Beauvais, Pascal de Maurin ou le Suédois Bengt Liljedahl (pour sa cafetière espresso et sa série de casseroles) qui présentent la particularité de travailler encore eux-mêmes l’argent. Citons encore l’orfèvre-sculpteur Goudji installé en France et dont la production, associant l’argent aux pierres précieuses et semi-précieuses, est imprégnée de sa culture russe.

À côté de cet artisanat de création, on trouve nombre de pièces, conçues en pièce unique ou en série par des designers ou des architectes-designers réputés tels Mario Botta, Carlo, Afra et Tobia Scarpa, Borek Šípek, Sylvain Dubuisson, Richard Meier, Olivier Gagnère, Gae Aulenti, Zaha Hadid, William Sawaya et d’autres. Elles sont réalisées par des maisons d’édition internationales, surtout localisées en Italie telles les maisons Cleto Munari, Sawaya & Moroni, San Lorenzo ou l’atelier de Gabriele De Vecchi. Mais aussi Christofle, Maeght, Danese, Driade, Memphis, Algorithme...

Signalons tout particulièrement Alessi, aujourd’hui l’un des centres les plus dynamiques en la matière, qui a su redonner un certain engouement aux arts de la table. Avec sa nouvelle marque Officina Alessi née en 1983, la célèbre firme italienne offre à un « public attentif et culturellement curieux » une large gamme de pièces en argent massif ou métal argenté complètement novatrices par leurs forme, production et fonction. Elle a notamment édité la fameuse série des onze services en argent « Tea and coffee Piazza », appelée par Alessandro Mendini « Miniarchitectures », réalisée par onze créateurs de renom : Aldo Rossi, Oscar Tusquets, Michael Graves, Hans Hollein, Alessandro Mendini, Richard Meier, Paolo Portoghesi, Stanley Tigerman, Robert Venturi, Charles Jencks et Kazumasa Yamashita.

Où voir et où acheter de l’orfèvrerie

Musée des Arts décoratifs de Lyon, 34, rue de la Charité, Lyon (69),
tél. 04 78 38 42 00, www.musee-des-tissus.com 

Roland Daraspe, Orfèvre, 6, chemin du Tayet Macau (33),
tél. 05 57 88 48 79, www.daraspe.com 

Goudji à la galerie Claude Bernard, 7-9, rue des Beaux-Arts, Paris VIe,
tél. 01 43 26 97 07, www.claude-bernard.com 

Sotheby’s, 76, rue du Faubourg-Saint-Honoré, Paris VIIIe,
tél. 01 53 05 53 05, www.sothebys.com 

Formes pures
Le Libanais William Sawaya et l’Italien Paolo Moroni ont fondé en 1984 la société Sawaya et Moroni Contemporary Furniture à Milan et ont invité des architectes et designers internationaux tels Jean Nouvel, Michael Graves, Ron Arad ou Charles Jencks à créer des meubles et objets en toute liberté. L’Irakienne Zaha Hadid est l’auteur de ce service composé d’une cafetière, d’une théière, d’un pot à sucre et d’un pot à lait, tous s’emboîtant parfaitement pour former un bloc. Réalisé en série limitée (moins de dix exemplaires), ce service témoigne des formes pures héritées des suprématistes russes et des constructivistes allemands.
Service à thé et café, Zaha Hadid, 1996, argent, édité par Sawaya et Moroni Contemporary Furniture, Milan. Collection du musée des Arts décoratifs de Lyon.

De nouvelles découvertes
Si les maisons de ventes aux enchères spécialisées dans le design n’ouvrent pas ou peu leurs ventes aux pièces d’orfèvrerie contemporaines, Thierry de Lachaise, responsable du département d’orfèvrerie ancienne chez Sotheby’s à Paris, y est au contraire sensible. Il n’hésite pas à présenter des créations d’aujourd’hui dans ses ventes. C’est ainsi que nombre d’amateurs d’orfèvrerie ont découvert et apprécié le travail du Français José-Maria David qui est avant tout un sculpteur animalier, dans la lignée de Bugatti. Mais lorsqu’il réalise des chandeliers et des appliques en bronze argenté ornés d’animaux, il touche l’univers de l’orfèvrerie et ses collectionneurs. Par leur style très décoratif, ses pièces spectaculaires obtiennent de beaux prix en ventes publiques, comme cette paire de chandeliers aux panthères qui, estimée au mieux 15 000 euros, a été vendue le double.
Paire de chandeliers aux panthères à cinq lumières en bronze argenté, José-Maria David, Paris, 2007, signés David E.A. M., Hauteur : 56 cm. Adjugée 29 000 euros, le 10 avril 2008, Sotheby’s, Paris

Daraspe, de main de maître
Actif depuis 1978, Roland Daraspe est un orfèvre français talentueux dans le domaine des arts de la table, religieux ou civils. Il est l’un des rares à perpétuer ce métier. Il imagine, dessine et exécute seul ses créations uniques qui sont d’un grand raffinement, remarquables de finition et uniques. Car même lorsqu’il réalise plusieurs pièces à partir d’un même modèle, il existe toujours une variante, dans les dimensions par exemple. « Parce qu’il faut que cela soit vibrant », Daraspe aime sortir du côté lisse de l’orfèvrerie, en travaillant une surface martelée « comme un décor ciselé ». En 2006, il reçoit le prix Liliane Bettencourt « Pour l’intelligence de la main » qui accroît considérablement sa renommée. En 2008, le musée des Arts décoratifs de Bordeaux lui a consacré une rétrospective. En 2002, il avait été nommé « Maître d’art » par le ministre de la Culture, titre prestigieux qui fait de lui une sorte de « trésor national vivant ».
Bol à riz (avec baguettes), Roland Daraspe, 2006, argent massif 925, ébène et cornaline, hauteur : 8,8 cm, diamètre 14 cm, poids : 340 grammes. Prix : 3 000 euros, Roland Daraspe, Macau (Gironde)

Le renouveau des formes par Memphis
Fondé en 1981 à Milan par des designers et architectes, le groupe Memphis a marqué internationalement son époque par ses meubles et d’objets. En réaction contre le minimalisme de l’après-guerre et l’uniformité du fonctionnalisme, la firme Memphis s’est orientée vers des créations originales aux formes excentriques et aux couleurs vives. Actif au sein de ce groupe jusqu’en 1987, l’Autrichien Ettore Sottsass a créé un nombre important de pièces dont le célèbre porte-fruits Murmansk conçu en 1982 et fabriqué par l’Italien Rossi e Arcandi à Vicence. Avec sa base formée de six pieds en zigzag, cette pièce a les allures d’une petite architecture. Elle est une évocation de la ville froide et isolée de Murmansk, située à l’extrême nord de la Russie.
Porte-fruits Murmansk, Ettore Sottsass, conçu en 1982 pour le groupe Memphis, laiton argenté. Hauteur : 30 cm. Collection du musée des Arts décoratifs de Lyon.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Vive l’orfèvrerie contemporaine

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