Du scarabée à l’éléphant, éloge de la continuité

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 21 décembre 2009 - 312 mots

Si la création de Miquel Barceló est une ode à l’évolution, elle récuse une esthétique souvent alléguée, celle de la rupture.

Continuer, persévérer, quitte à piétiner : de l’effort et de l’empreinte considérés comme un art. Soucieuse d’éviter un découpage arbitraire, l’exposition excède marginalement le champ chronologique imparti. Aussi, aux œuvres de la période privilégiée (1973-1982) sont confrontées des réalisations plus récentes qui, outre qu’elles viennent attester un continuum évident, permettent d’illustrer un fait désormais saillant : la précocité de Barceló.

Depuis toujours et à jamais
Le jeune homme qui nous observe, pistolet sur la tempe, est bien le même que celui que l’on regarde aujourd’hui, pinceau à la main. Ses hantises sont identiques, ses fulgurances, équivalentes. Certes, des expéditions décisives au Mali et des commandes d’envergure séparent l’ange blond de l’artiste reconnu, mais, loin d’avoir bouleversé un ordre établi, elles ont tout confirmé. « Tout », autrement dit un Petit Amour fou (1984) pour la langue et la matière du monde.

Avec Barceló, le futur n’est jamais qu’un passé qui se transforme, une fin qui se survit. Moins stratifiée que sédimentée, sa création réactive un monde silencieux où il ne saurait y avoir de langue morte, mais tout juste une nature qui attend de parler, de se symboliser. L’art est bien cela : la pratique totémique d’un Artiste primitif (2006).

Aussi les formes réapparaissent-elles, intactes quoique différentes. La nicotine s’est transformée en une Allumette giacomettienne (2006), l’animal microscopique en un pachyderme improbable, planté dans le sol par sa trompe (Elefant Dret, 2007). Et si l’artiste se figure désormais sous les traits d’un chimpanzé (Sans titre, 2008), c’est la même solitude, violente et sublime, qui l’habite (Mobili, 2001). De l’eau a coulé sous les ponts depuis les visions de sécheresse des débuts (Saison de pluie n° 3, 1990), mais le geste, lui, est toujours aussi aride, déserté par l’inutile. Une estocade, en somme.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°620 du 1 janvier 2010, avec le titre suivant : Du scarabée à l’éléphant, éloge de la continuité

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