Tate Modern, Londres

John Baldessari

Drôle de conceptuel

Par Roxana Azimi · L'ŒIL

Le 19 novembre 2009 - 368 mots

Si les facéties de François Morellet ont su déminer la rigidité de l’art concret, l’humour du Californien John Baldessari le distingue aussi de ses confrères de l’art conceptuel.

Le septuagénaire auquel la Tate Modern rend hommage est un garnement rigoureux mais malin. Aussi structurée et séquencée que le travail  de l’artiste, la rétrospective a pour mérite de dévoiler dans les premières salles quelques toiles des années 1960 qui ont échappé miraculeusement au grand autodafé au cours duquel Baldessari a brûlé toutes ses premières œuvres.

    Celui-ci peignait alors des sentences, le tableau devenant leçon de peinture, conseil aux artistes, ou documentation. Pour lui, « un mot ne peut se substituer à une image, mais est égal à elle ». Une toile égrenant une citation de Clément Greenberg rappelle l’absurdité des positions dogmatiques.

    En reproduisant des photos sur ses toiles, Baldessari souligne aussi la faible importance du savoir-faire technique. Délaissant les pinceaux, ce conceptuel pur jus s’attache en 1970 à l’usage exclusif de la photographie et du film. Il construit alors d’amusantes narrations, concocte des jeux absurdes. Dans la vidéo intitulée I’m Making Art, il utilise son corps comme médium, à la manière d’un Bruce Nauman. Sauf qu’on devine une certaine autodérision derrière cette mise en scène de sa personne.

    Dans les photos où il cache son visage derrière un chapeau, il critique le désir inepte de capter la ressemblance. À partir des Directional Pieces, où une flèche indique la direction qu’empruntent des passants, on entrevoit un vocabulaire qui s’imposera plus fortement dans ces compositions suivantes. En s’orientant vers la couleur, il devient plus séduisant, sans rompre avec l’idée d’alignement et de répétition. Peu à peu ses constructions prennent un tour complexe. Dans les années 1980, Baldessari cache les visages par des ronds colorés, leur retirant ainsi toute personnalisation. Surtout, il crée une fiction souterraine à coups de connexions inattendues.

    Brillante, l’exposition termine toutefois sur deux salles d’œuvres récentes qui laissent perplexes. En ressassant ses formules, Baldessari semble tourner en rond. Lorsqu’il tente d’y échapper, par le biais notamment de la sculpture, la solution plastique n’est pas forcément heureuse.

« John Baldessari : pure beauty », Tate Modern, Bankside, Londres (Grande-Bretagne), www.tate.org.uk, jusqu’au 10 janvier 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : John Baldessari

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