Aux États-Unis

Arshile Gorky

Le trait d’union entre l’art européen et américain

Par Philippe Piguet · L'ŒIL

Le 18 novembre 2009 - 543 mots

Auteur d’une œuvre sensible et poétique, Arshile Gorky opère la synthèse entre la peinture européenne et ce qui deviendra l’expressionnisme abstrait américain. Philadelphie rend hommage à ce peintre trop longtemps resté dans l’ombre.

Figure majeure de la scène artistique américaine des années 1930-1940, Arshile Gorky n’en demeure pas moins un artiste bien mal connu, surtout en Europe, et son œuvre, peinte ou dessinée, n’est pas de celle que l’on repère au premier regard. Très souvent objet d’un amalgame, elle est alors prise pour la production d’un autre et considérée en seconde ligne. Or c’est le contraire qui devrait être, quand on sait l’influence qu’il exerça sur ses contemporains et le rôle déterminant qu’il a joué dans l’émancipation d’un art proprement américain. Mais le destin en a décidé autrement et la brutale disparition de l’artiste en 1948, à l’âge de 44 ans, a pénalisé tant le développement de son œuvre que sa reconnaissance.
   
Originaire d’un petit village d’Arménie ottomane, Arshile Gorky, de son vrai nom Vosdanik Adoian, est né en 1904. Orphelin de sa mère, il émigre en Amérique rejoignant son père qui s’y était exilé plus tôt. Tout d’abord inscrit à la New School of Design de Boston, il s’installe dès 1924 à New York où il découvre l’art européen, Arp, Braque, Kandinsky, Picasso, Miró… Ne tardant pas à pénétrer le milieu de l’art, il fait la connaissance du théoricien John Graham et de Willem De Kooning. Influencé par le cubisme synthétique, Gorky peint alors des natures mortes. À 24 ans, il participe au MoMA tout fraîchement ouvert à une exposition de jeunes artistes et se fait remarquer par ses pairs.

La rencontre avec le surréalisme
Très fortement impressionné par différentes expositions surréalistes organisées à New York au début des années 1930, Gorky oriente peu à peu son art vers une figuration qui mêle son intérêt pour De Chirico, Picasso et Miró. En 1934-1935, s’il adhère au groupe de l’Artist’s Union sans s’engager politiquement, puis est associé comme réalisateur de peintures murales au fameux programme du Works Progress Administration/Federal Art Project (WPA/FPA), il préserve son indépendance en développant au fil du temps un style de plus en plus abstrait et volontiers biomorphe. Proche de Miró et de Masson, certes, mais qui gagne en ampleur et en saturation.
   
Devenu citoyen américain en 1939 et après avoir assuré un cours de camouflage à la Grand Central School de New York, il s’installe au début des années 1940 dans le Connecticut où il se met à peindre d’après nature. Dès lors, ses paysages conjuguent formes abstraites et organiques dans une manière singulière que caractérise un espace où tout semble flotter.

Une succession de catastrophes scandent les années d’après-guerre. C’est tout d’abord l’incendie de son atelier. C’est ensuite l’opération d’un cancer tardivement diagnostiqué. C’est encore un accident de voiture à la suite duquel il reste paralysé du bras droit, celui avec lequel il peint. C’est enfin le départ de sa femme. Aussi, le 21 juillet 1948, Arshile Gorky n’y tenant plus choisit de se donner la mort.

S’il laisse une œuvre inachevée qui ne rencontrera que plus tard la fortune critique, c’est qu’elle a surtout servi de modèle. Il est temps de la découvrir dans la plénitude de sa richesse et de son invention plastiques. 

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°619 du 1 décembre 2009, avec le titre suivant : Arshile Gorky

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