Musée d'art moderne de la Ville de Paris

Deadline : inspiration expiration

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 28 octobre 2009 - 396 mots

« Tout l’intérêt de l’art se trouve dans le commencement. Après le commencement, c’est déjà la fin », assurait Picasso.

Si ces dernières années les réévaluations opportunistes de fins de parcours ont eu bonne presse – Warhol, de Chirico ou le crémeux vieux Renoir –, les ruptures réclamées par l’histoire de l’art ont longtemps été associées à la vigueur de la jeunesse. Ni démonstration, ni fantasme d’une irréfutable vérité de l’œuvre à l’imminence de la fin, l’exposition « Dead-line » concentre son affaire sur l’artiste face à l’échéance violente et le plus souvent chiffrée de la mort.
Sans doute un tel angle comprend-il la tentation de la petite histoire, mais là n’est pas le propos de l’exposition, qui déroule une série d’œuvres testaments sans céder à l’illustration biographique. Félix González Torres, Chen Zhen, Absalon, Jörg Immendorff, c’est moins leur postérité que travaillent ces artistes, qu’une conversation urgente, révoltée ou apaisée avec la mort et les dégradations qui la précèdent. C’est bien mourir qui fait sujet, au moins autant que la mort. Au corps d’en prendre acte.
En « artificialiste » affûté et se sachant condamné, James Lee Byars met sa disparition en scène en 1994 à la galerie Marie-Puck Broodthaers à Bruxelles. En costume doré, il s’étend au sol sous une pluie de feuilles d’or avant de laisser place à un schéma de cinq diamants, projection mesurée de son propre corps. « Je m’exerce à mourir. Socrate a dit que la philosophie consiste à s’exercer à mourir », s’amuse alors l’artiste américain. « Demandons-nous dans quelle temporalité entre celui à qui est annoncé sa fin prochaine et comment il va communiquer ,» écrit la commissaire Odile Burluraux.
Absalon se filme bataillant dans le vide jusqu’à épuisement, Robert Mapplethorpe révèle une silhouette émaciée de jeune vieillard, Hannah Villiger affronte son corps décharné par la tuberculose en le projetant crûment dans le champ de la sculpture et Martin Kippenberger, préparant en 1996 une série de toiles autour du Radeau de la Méduse, pose en naufragé tragico-comique devant l’objectif de sa compagne Elfie Semotan. Autant d’affrontements exposés qui n’oublient pas d’agir comme miroir mais frappent d’abord comme des remparts, des espaces de négociation ou d’affirmation glissés devant et après la mort.

« Deadline », musée d’Art moderne de la Ville de Paris, 11, avenue du Président-Wilson, Paris XVIe, tél. 01 53 67 40 00, www.mam.paris.fr, jusqu’au 10 janvier 2010.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°618 du 1 novembre 2009, avec le titre suivant : Deadline : inspiration expiration

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