Quand l’Afrique cuit sa terre

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 30 juin 2009 - 334 mots

Tout a disparu, toutes les œuvres habituellement présentées dans les salles du musée Barbier-Mueller de Genève ont fait place à une collection totalement nouvelle de terres cuites africaines.

Le choix est vaste car l’argile depuis des millénaires s’est moulée en vases utilitaires, en récipients sacrés, et même en portraits.
Très mystérieuses, les cultures les plus anciennes, deux mille ans à Nok, livrent lentement leurs secrets. De Katsina, une Tête Janus du premier millénaire se referme sur son silence. De la région du Delta intérieur du Niger nous viennent d’étranges personnages datés du xie au xviie siècle. Envahis de serpents grouillant jusque sur leurs visages, couverts des pustules d’une maladie inconnue, ils conservent leur mystère.
Les Pots d’ancêtres des Yungur du Nigeria préservés au cœur des sanctuaires sont mieux connus. Dans l’exposition, trois de ces pièces majeures, uniques, haussent le récipient rituel au niveau de chef-d’œuvre. Le Pot de l’Esprit Mbirhlen’nda, intercesseur entre les vivants et les ancêtres, protège les humains contre les forces destructrices de la nature. Ce ne sont pas ses bras miniaturisés reposant sur sa vaste panse qui les feront fuir, c’est le gouffre d’ombre de sa bouche crachant des menaces sur les esprits hostiles.
Les portraits réalistes sont exceptionnels en Afrique, où le sculpteur risquait d’être accusé de sorcellerie. Mais il en existait d’admirables, vers le xve siècle à Ifé, l’ancienne ville sainte du Nigeria. Troublante de douceur cette Tête féminine révèle un visage couvert de légères lignes de scarifications parallèles traditionnelles. Qui nous dira jamais le vécu que résume la beauté sensuelle et sereine de ce visage ?
Le nord du Cameroun est célèbre pour ses pipes, et la longueur de leurs tuyaux. Celles du roi pouvaient atteindre deux mètres, chiffre diminuant selon la situation sociale des propriétaires. Le fourneau, qui pouvait prendre toutes sortes de formes, représente ici un poisson silure qui rit « aux éclats » !

« Terres cuites africaines. Un héritage millénaire », musée Barbier-Mueller, 10, rue Jean Calvin, Genève (Suisse), www.barbier-mueller.ch, jusqu’au 15 septembre 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Quand l’Afrique cuit sa terre

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