Anthropophagie

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 29 juin 2009 - 253 mots

« Tupi or not Tupi : that is the question » écrit Oswald de Andrade en 1928, dans son célèbre Manifesto Antropofago.

Il y renvoie aux Amérindiens Tupis mangeant leurs ennemis après leur mort. Un acte d’appropriation et de libération dans lequel le poète entend loger la force de la culture brésilienne. Une force « anthropophage » capable d’engloutir une pluralité de cultures, européennes et dominantes comprises. Voilà les bases du modernisme brésilien jetées.
Assimiler, digérer, régurgiter, ce sont aussi les processus littéralement à l’œuvre dans l’exposition « À contre-corps » portée à Metz par un trio brésilien : Cildo Meireles, entre « guide et obstacle », déroule jusqu’au débordement hors de l’espace d’exposition une inépuisable pelote de coton noir. L’envahisseur pourrait bien conduire jusqu’aux traces photographiques des performances de la papesse brésilienne du genre Lygia Clark. Au menu, Canibalismo (1973), ou l’assemblée paisible d’étudiants parisiens de l’artiste mangeant des fruits sur –  dans ? – le corps de l’un des leurs. Elle justifie : « C’est un peu comme si nous entrions dans le corps les uns des autres ». Fil rituel et chronologique maintenu avec le film In-Out Antropofagia (1973) d’Anna Maria Maiolino, série de bouches – lèvres, dents, langues – lieu du langage et de l’ingurgitation, cadrées serrées.
Trois exercices de transition ou de dissolution entre intérieur et extérieur ou trois possibles idées de « l’œuvre de dévoration ».

« À contre-corps, œuvre de dévoration », Frac Lorraine, 1, bis rue des Trinitaires, Metz (57), collection-fraclorraine.org, jusqu’au 20 septembre 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Anthropophagie

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