Henry de Waroquier

La sculpture exhumée

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 29 juin 2009 - 328 mots

Il est des artistes dont la postérité n’a retenu qu’une seule chose. Comme si leur langue ne s’était résumée qu’à un seul syntagme.

Henry de Waroquier (1881-1970) est de ceux-là. Son vocabulaire semble définitivement associé aux vues de Venise, pléthoriques, qu’il déclina des années durant.
De fait, la lagune assura à l’artiste une fortune, critique et financière, considérable. Les couleurs, fauves, jouent de contrastes hardis et les formes, cubisantes, découpent le paysage. Facile et courtisée, la syntaxe eût pu demeurer inchangée si l’artiste, un jour de 1934, n’avait renouvelé sa pratique en se consacrant à la sculpture. Finies les transfigurations vénitiennes, dépassées les miroitements dramatisés, Waroquier entreprend de sculpter un bestiaire inédit. L’aristocrate, renonçant aux seules mondanités, laisse les gondoles à Venise. Et retrouve, de plain-pied, la modernité.
Pendant vingt ans, de 1934 à 1952, l’artiste décide, le plus secrètement du monde, d’investiguer la sculpture. Une alchimie inouïe, menée depuis ce qu’il nomme sa « chambre funéraire ». Avec l’exaltation primesautière inhérente à toute découverte, il donne libre cours à une fièvre créatrice, née de la révélation d’un voyage en Grèce. Ainsi débute cette odyssée sans précédent qui le voit, pour la seule année 1934, livrer pas moins d’une centaine de figurines exceptionnelles.
Le Verbe (1934-1949) désigne la polymorphie des influences, depuis l’archaïsme grec jusqu’à l’Égypte copte en passant par la Mésopotamie sumérienne. Masques, animaux, anges deviennent les témoins silencieux de cette « mentalité humaine à son éveil ». Quand Douleur (1947) évoque Marino Marini, L’Otage (1948) rappelle Fautrier et anticipe le Buste de Diego (1954) de Giacometti. Waroquier flirte avec le primitivisme, sonde les matériaux, essaie des assemblages hybrides. Lui, le peintre mondain, se découvre sculpteur fantaisiste et bricoleur génial.
Paul Claudel fit de Waroquier un « voyant ». La Piscine de Roubaix en fait aujourd’hui un visionnaire. En sculpture, uniquement.

« Henry de Waroquier sculpteur », La Piscine – Musée d’Art et d’Industrie André Diligent, 3, rue de l’Espérance, Roubaix (59), www.roubaix-lapiscine.com, jusqu’au 21 septembre 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Henry de Waroquier

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