Artistes confirmés - Le point de vue de Bénédicte Ramade

Le théâtre du monde

Par Bénédicte Ramade · L'ŒIL

Le 26 juin 2009 - 487 mots

Même constat de classicisme pour Bénédicte Ramade qui apprécie cependant l’historicisme de l’exposition de Daniel Birnbaum. L’occasion de redécouvrir Gordon Matta-Clark et Lygia Pape.

Plus que jamais, cette 53e édition aura été l’occasion de retrouver des têtes connues de l’art contemporain international. Crise oblige, beaucoup de représentations nationales ont donc opté pour le one-man show et l’artillerie lourde. Avec une certaine habitude qu’on commence d’ailleurs à trouver pénible, les États-Unis ont aligné une nouvelle fois du « sans surprise, mais de bon goût » – après Ed Ruscha et Felix González-Torres – avec Bruce Nauman, « résumé » en trois expositions et autant de sites pour quarante ans de carrière.
Cornaquée par le musée de Philadelphie, la présentation s’est enfoncée dans les affres du classicisme. Vient-on à Venise pour voir une rétrospective Nauman ? Pas forcément. Dans cette veine du « bis repetita », les Allemands ont choisi d’être représentés par un artiste britannique, Liam Gillick, et ont réitéré un pavillon sec. Et une œuvre particulièrement elliptique et résistante. Dur d’arpenter la Biennale dans ces circonstances.
Heureusement, dans le déferlement de films et de vidéos (c’est la crise, et les coûts de maintenance étant prohibitifs à Venise, ce médium est devenu la providence de l’année), le tout proche pavillon de Mark Lewis pour le Canada réconcilie le spectateur avec cinq courts films projetés en simultané. D’une bagarre sans acmé à un travelling depuis la fenêtre d’un 54e étage jusqu’à un plan fixe sur un abri de rue, Lewis tisse une temporalité et un rapport à l’image exemplaires. Et quasiment toutes ces propositions filmiques, même éclatées sur de multiples écrans, ont un point commun, la sagesse de leurs dispositifs, la qualité des images résolument filmiques et un sens du rythme ciselé.
 
La fin de l’amnésie
Mais parmi ces valeurs sûres, c’est bien l’exposition internationale concoctée par Daniel Birnbaum dans les Giardini qui recèle les plus beaux trésors. En montrant que certains artistes historiques des années 1950 aux années 1980 sont devenus des figures tutélaires, le commissaire postule une mise en perspective de la contemporanéité plutôt bienvenue. D’autant que depuis quelques années, on pouvait se désespérer de la grande amnésie de nombre de jeunes artistes (et critiques) en matière de culture historique.
Ainsi se déploient les dessins de l’Américain Gordon Matta-Clark, petites merveilles de nervosité et d’utopie représentant des arbres d’énergie, entourant un film de plus de neuf heures du même artiste, Tree Dance (1971). Une performance aérienne d’anthologie peu connue du grand public qu’il faut absolument découvrir.
À l’opposé de cette ode à la dissidence architecturale et à la liberté du printemps, le Livro a criação (1959) de la Brésilienne Lygia Pape (1927-2004) et œuvre-phare de l’art néo-concret, se déploie dans une vitrine magnifique. L’ouvrage déplié en séquences sculpturales dialogue dans une salle magistrale avec deux petites œuvres de Blinky Palermo et une projection-hommage de Philippe Parreno à Robert Rauschenberg. Une vraie leçon d’histoire et de réjouissantes retrouvailles.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Artistes confirmés - Le point de vue de Bénédicte Ramade

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