Biennale

Venise - S’en faire tout un monde

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 26 juin 2009 - 596 mots

VENISE / ITALIE

L’œil a dépêché pas moins de quatre envoyés spéciaux pour couvrir la 53e Biennale de Venise. Leur constat est le même : une édition sans risque. À l’instar du Lion d’or du meilleur pavillon national qui récompense l’américain Bruce Nauman, un artiste historique.

Si « Faire des mondes », l’exposition internationale signée, sonne comme une impeccable leçon nouant propositions mondialisées d’hier et d’aujourd’hui, le off comme les pavillons nationaux exécutent quant à eux une partie sans risque, souvent balisée, voire franchement mauvaise. Que dire de la vulgarité du kiosque japonais de Miwa Yanagi ? Du pavillon russe pourtant bruyamment promu, mais souvent aux franges de l’inacceptable ? Que dire surtout de l’indigeste pâté rétrograde servi par les Italiens et qui aura laissé les « biennaleux » pantois ?
Quant au modèle pavillonnaire national, ses fondations semblent chaque année chanceler un peu plus. Roman Ondak l’efface et l’abandonne à la végétation en prolongeant les jardins à l’intérieur même du bâtiment, Claude Lévêque mure l’entrée d’une paroi aveugle, la paire Elmgreen & Dragset efface les préférences nationales et fusionne vitrine nordique et danoise, le Britannique Liam Gillick s’invite côté allemand et Steve McQueen filme des lévriers pissant sur une façade de pavillon dans son film Giardini. Signe qu’il est temps peut-être de réfléchir à un autre modèle sans que toutefois personne n’amorce de quelconques contre-formes ou contre-modèles. L’analyse dissidente n’en est décidément qu’à ses balbutiements.

Bruce Nauman en vieux Lion
Mais jusqu’à nouvel ordre, qui dit Biennale vénitienne, dit Jeux olympiques de l’art contemporain, avec compétitions et récompenses. Depuis le printemps, on savait que les prix décernés aux carrières concernaient deux Américains : Yoko Ono et John Baldessari. Quant au jeu des pronostics, il est allé bon train la semaine de l’ouverture, tant aucun pavillon ne se détachait singulièrement de la masse, même si la balance penchait beaucoup du côté scandinave. Une dimension prospective d’ailleurs saluée par le jury.
Mention spéciale à la chansonnette de Roberto Cuoghi. L’incroyable installation vidéo de la jeune Suédoise Nathalie Djurberg récompensée du Lion d’argent et le Lion d’or du meilleur artiste de l’exposition de la Biennale, décerné à Tobias Rehberger, ont couronné la pertinence et la vision de Birnbaum dans l’ancien pavillon italien. Et c’est un juste retour des choses pour une analyse magistralement exposée d’une histoire processuelle de l’art et de l’aptitude des artistes à lire et imaginer le monde, même si la longue séquence exposée à l’Arsenale marquait d’indéniables signes de faiblesses.
 Mais à l’annonce des résultats, celui qui a fait tomber de l’armoire la profession est bien la destination de la récompense suprême. Bruce Nauman, auréolé du Lion d’or du meilleur pavillon national. On s’interrogera longtemps sur le sens d’une telle décision. Non que son exposition ne soit réussie – elle est superbement muséale –, mais elle vient célébrer la carrière d’un artiste, né en 1941, dont l’œuvre appartient aux avant-gardes minimales et conceptuelles des années 1960-1970. Depuis plusieurs éditions, les responsables du pavillon semblent ne pas chercher à faire état d’une image prospective de la scène artistique nord-américaine, mais bien plus agir de façon historicisante. Voudraient-ils entériner par le choix qu’ils font de leur représentant à la Biennale de Venise, la place éminente qu’il occupe, comme ce fut le cas en 2005 avec Ed Ruscha (1937), en 2007 avec Felix González-Torres (1957-1996), ils ne s’y prendraient pas autrement.
S’il n’est pas discutable que Bruce Nauman est un immense artiste, il ne fallait pas attendre 2009 pour le reconnaître et lui dérouler le tapis rouge de Venise. Les valeurs refuges s’imposent résolument cette année en antidote de la crise.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Venise - S’en faire tout un monde

Tous les articles dans Création

Le Journal des Arts.fr

Inscription newsletter

Recevez quotidiennement l'essentiel de l'actualité de l'art et de son marché.

En kiosque