Art contemporain

Christo liquide

En attendant 2012

Par Colin Lemoine · L'ŒIL

Le 23 mars 2009 - 377 mots

La rivière Arkansas. Tel est le nouvel eldorado élu par Christo pour sa prochaine intervention.

Une intervention dont l’inauguration, à l’horizon 2012, conclura une entreprise pharaonique digne de l’époque ramesside. Nul hasard à cette paternité, attendu que l’artiste est engagé par ailleurs dans l’édification d’un mastaba à Abou Dhabi, en plein cœur des Émirats arabes unis. Un grand enfant fermant les yeux : avec une insolence responsable et une irraison sensée, Christo continue d’ouvrir les portes d’un songe éveillé…
Pour l’heure, le projet américain, dont l’exposition de Lausanne permet de saisir la genèse et de suivre le développement, relève d’une chimère cyclopéenne et herculéenne, démesurée et immensurable. Pas tout à fait, cependant, puisque les mesures et les chiffres existent : 9,4 kilomètres de la rivière Arkansas, dans le Colorado, seront recouverts d’un gigantesque tissu argenté translucide, suspendu depuis les berges à une hauteur variant entre 2,4 et 7,6 mètres. Cette folle entreprise, restituée limpidement par deux cents pièces éloquentes – cartes, dessins, photographies –, ne masquera pas les vingt mille kilomètres arpentés et les quatre-vingt-neuf rivières étudiées avant l’élection du site définitif. Un long fleuve pas si tranquille, finalement.
Initié en 1992, Over the River épousera durant soixante-quatre kilomètres discontinus le lit d’un cours d’eau mythique dont les ponts, arbres et rochers imposeront huit interruptions obligées. Christo et son épouse Jeanne-Claude, puisque la Sarl Christo est bicéphale, se sont donc à nouveau improvisés topographes et ingénieurs pour imaginer ce tissu dont le serpentement identique à la rivière créera une merveilleuse illusion. Et une merveille illusoire, car seules deux semaines estivales verront naître puis mourir un projet éphémère dont ne subsisteront plus que les seules reliques.
Depuis le mémorable empaquetage du Pont-Neuf en 1985, de l’eau a coulé sous les ponts emballés. Une eau désormais apprivoisée par cette tenture diaphane que les regardeurs, qu’ils soient promeneurs, rafters ou automobilistes, découvriront diversement. Agissant comme un filtre et un toit, les panneaux de tissu dévoileront le ciel et protégeront l’eau. À moins que ce ne soit l’inverse. Et ici, tout n’est qu’affaire de point(s) de vue(s).

A voir

« Christo et Jeanne-Claude. Over the River, a Work in Progress », fondation de l’Hermitage, 2, route du Signal, Lausanne (Suisse), tél. : 0041(0)21 320 50 01, www.fondation-hermitage.ch, jusqu’au 24 mai 2009.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Christo liquide

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