Cure thermale pour la « villa Médicis des pauvres »

Par Colin Cyvoct · L'ŒIL

Le 23 mars 2009 - 365 mots

Deux lieux mythiques évoquent irrésistiblement l’extraordinaire fièvre créatrice qui régnait à Paris au début du siècle dernier : Montmartre et son Bateau-Lavoir, détruit par un incendie en 1970, et la Ruche de Montparnasse, légendaire berceau de l’École de Paris qui aujourd’hui encore accueille des artistes dans ses ateliers.

Le Palais Lumière d’Évian, somptueux établissement thermal style « Belle Époque » inauguré en 1902, la même année que la Ruche, propose une singulière rétrospective : deux cent cinquante œuvres témoignant d’un siècle d’effervescence créatrice dans un lieu hors du commun.
Édifiée grâce à la détermination d’Alfred Boucher, sculpteur très académique et très fortuné, la Ruche doit son nom à la forme octogonale de son bâtiment principal : le pavillon des vins de Bordeaux de l’Exposition universelle de 1900, démonté puis reconstruit sur un terrain acquis à cet effet.
Les artistes plutôt conformistes cooptés par Boucher laissent rapidement la place à une faune cosmopolite de peintres et de sculpteurs bohèmes attirés par des conditions de travail favorables : modèles nus gratuits et loyers faibles voire inexistants. Ils seront bientôt une centaine de résidents et jamais aucun ne fut expulsé pour défaut de paiement. Beaucoup viennent de Russie et d’Europe centrale. Chagall, Soutine, Zadkine, Archipenko, Kikoïne ou Pailes croisent, au hasard des arrivées et des départs, Foujita et Modigliani, le Mexicain Diego Rivera, les Français Max Jacob ou Fernand Léger.
Particulièrement remarquables, deux natures mortes de Pailes (1929), les dessins au crayon de Modigliani (1912-1918), un sidérant autoportrait de Chagall daté de 1911 ou deux petites huiles sur carton (1912) du Finlandais Eero Nelimarkka témoignent de l’exceptionnelle qualité du foisonnement créatif qui régnait à la Ruche avant guerre.
Désertée par les artistes pendant l’Occupation, délabrée, la Ruche reprend vie grâce à un groupe de jeunes peintres rassemblés autour de Rebeyrolle. L’ambiance est encore au partage et à la vie communautaire. Sauvée d’une destruction certaine par la volonté solidaire des artistes, classée en 1972, rénovée, la « villa Médicis des pauvres  » bruisse aujourd’hui encore des recherches et des rêves de créateurs contemporains tels Ernest Pignon-Ernest ou la photographe finnoise Elina Brotherus.

A voir

« La Ruche, cité des artistes(1902-2008) », Palais Lumière, Évian (74) www.eviantourism.com, jusqu’au 10 mai 2009

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°612 du 1 avril 2009, avec le titre suivant : Cure thermale pour la « villa Médicis des pauvres »

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