Quand les courtisanes n’étaient pas des chinoiseries

Par Laure Meyer · L'ŒIL

Le 28 octobre 2008 - 356 mots

C’est toute l’atmosphère des quartiers de plaisir, quartiers réservés de l’ancien Tokyo, qui revit dans l’exposition « Splendeur des courtisanes » du musée Cernuschi.

Dès l’entrée, de longs paravents à six portes campent devant des groupes de promeneurs. On pénètre dans le luxe d’un univers de plaisir, aux marges d’une société urbaine et prospère. Plus loin des estampes dites ukiyo-e, images de ce « monde flottant » suggèrent la beauté de ces courtisanes de haut vol auxquelles tout homme puissant se devait de rendre visite.
Fragiles merveilles de grâce et de délicatesse, ces jeunes femmes avancent, retenant d’un geste souple le flot de somptueuses soieries que maintient par-devant le grand nœud, l’obi, que les autres femmes portent sur les reins. Loin d’être des prostituées, ces femmes étaient des courtisanes dont la culture était recherchée pour leurs dons de musiciennes et de danseuses et pour l’élégance sophistiquée de leur comportement.
Comment les peintres n’auraient-ils pas été tentés par de tels modèles ? Moronobu, mort en 1694, a été parmi les premiers à être sensible à leur séduction. Nombreux sont ceux qui devaient suivre, dont les plus connus sont Harunobu qui améliore grandement les effets de couleur, Kiyonaga, Utamaro, Hiroshige et Hokusai. Désireux d’apparaître comme des peintres, ils dessinaient leurs estampes, laissant à d’autres la production en série. Le dessin du peintre était reproduit par gravure sur bois puis imprimé en couleurs. Car les estampes étaient, au xixe siècle, comme des cartes postales, des produits commerciaux destinés à la vente à un large public.
Au milieu du xixe siècle, le nombre croissant des tirages entraîne une baisse de qualité des estampes. Cette forme d’art se meurt, les feuilles servent à envelopper des « chinoiseries », objets de pacotille vendus en France. Ce sont ces mêmes estampes qui devaient attirer l’attention des peintres à la fin du XIXe siècle et provoquer chez Van Gogh et d’autres artistes une vague de japonisme.

« Splendeur des courtisanes. Japon, peinture ukiyo-e du musée Idemitsu », Musée Cernuschi, 7, avenue Vélasquez, Paris VIIIe, www.paris.fr. 1re partie, du 19 septembre au 9 novembre 2008 ; 2de partie, du 18 novembre au 4 janvier 2009.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°607 du 1 novembre 2008, avec le titre suivant : Quand les courtisanes n’étaient pas des chinoiseries

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