François Morellet, arithmétiques lumineuses

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 29 septembre 2008 - 363 mots

Deux hypothèses de travail sont à l’œuvre au château de Villeneuve à Vence.

La première assure la cohabitation de François Morellet et d’une architecture du XVIIe siècle en un jeu de rapports de force effectué sans trop de mal. Moulures et lustres se mesurent avec une légèreté inattendue aux règles du jeu argumentées par Morellet. La seconde, plus incertaine, consiste à faire des matériaux lumineux un chapitre autonome dans le parcours méthodique et imprévisible de cet artiste né en 1926. Néons en tirets, néons en angles, en triangles et en contorsions, boîtes à flash, rythmes interférents et tableaux d’ampoules, c’est d’eux seuls qu’il est question. Ils pourraient produire un langage spécifique ? Pas sûr, tant le tube de néon se glisse plus largement dans la boîte à outils systématisée par Morellet.
Lorsqu’en 1963 Morellet entreprend de recourir à la lumière artificielle, ses trames et arrangements de formes simples se mettent en place en peinture autant qu’en lumière. Son premier essai lumineux aligne, façon damier, soixante-quatre petites ampoules sur des plaques de métal animées à cadences variables. La lumière lui permettra d’injecter vecteur temps, neutralité et effets optiques avec un sens enjoué de la rigueur et du dysfonctionnement. Elle animera ses jeux perceptifs et collectifs aux côtés du groupe GRAV (1961-1968) et s’intégrera ensuite aux architectures et paysages dans lesquels Morellet place parfois ses tubes.
Néons abscons (1968), Pi-rococo n° 9, 1=10° (1988), à Vence les titres balaient un demi-siècle et font office de protocoles malicieux auxquels les tracés lumineux obéissent. C’est là, dans ces énoncés géométriques rigoureux et descriptifs, que se situe le rôle actif de l’artiste. « J’ai toujours cherché à réduire au minimum mes décisions subjectives et mon intervention artisanale, pour laisser agir librement mes systèmes simples, évidents et de préférence absurdes », explique Morellet. C’est ce qu’évoque l’artiste dans l’une des ultimes salles qui vient rappeler sa résistance têtue au sérieux. Le fin dessin au néon bleu s’élève vers le haut comme il peut, en pliures flageolantes. Lamentable titre Morellet. Et hop!

Voir

« François Morellet, 45 années-lumière », fondation Émile Hugues, château de Villeneuve, 2, place du Frêne, Vence (06), tél. 04 93 58 15 78, jusqu’au 2 novembre 2008

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : François Morellet, arithmétiques lumineuses

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