Stéphane Calais

Par Manou Farine · L'ŒIL

Le 29 septembre 2008 - 391 mots

Bruno Schulz (1892-1942) fut un singulier écrivain – Les Boutiques de cannelle et Le Sanatorium au croque-mort. Schulz le marginal, Schulz le misanthrope dessina surtout d’un trait sombre et dense d’admirables galeries de personnages : amis, famille, femmes à fouets, élégantes provocatrices, marchands, vieux juifs, prostituées, créatures ou avortons auxquels s’ajouteront de nombreux et douloureux autoportraits. Entre ténèbres de Goya et fantasmagories de Rops.

Il fut assassiné de deux balles dans la tête par un S.S. dans le ghetto de Drohobycz. Quelques semaines auparavant, Schulz avait été contraint de réaliser des papiers muraux pour la chambre du jeune fils de Felix Landau, officier nazi. Il y avait peint des récits de personnages inspirés des contes de Grimm sous les traits desquels se lisait la tragédie de sa condition. En 2001, on retrouva les muraux, dont une grande partie fut emportée à Yad Vashem, en Israël, dans des circonstances qui font encore polémiques.
C’est à cette double absence que s’adosse pour partie l’exposition de Stéphane Calais au Crédac d’Ivry-sur-Seine : celle de Schulz, membre actif et marquant de son panthéon personnel, et celle de ces fresques, désormais soustraites à leur origine et au regard du public.
Comment représenter ces absences et la violence du récit qu’elles sous-tendent  ? Comment faire apparaître ces images qui hantent l’artiste depuis longtemps  ? « Avec mes propres outils », répond Calais. Calais dont le trait furieux et cultivé balance toujours entre énergie brute et manières baroques. Calais dont les pratiques artistiques – dessin, peinture, objet, installation – ne cessent de se coltiner la nature même de la figuration.
Stéphane Calais, donc, devrait répondre à l’énigme de la représentation et faire écho à cette effroyable chambre par une architecture dévastée saisie par ses dehors et son envers et recouverte de dessins fluides de sucettes, berlingots et autres éclairs au chocolat. De l’aveu de l’artiste, c’est à l’extérieur que se joue la menace. Un peu comme les façades toutes de biscuit et de pain d’épice de la maison de la sorcière dans Hansel et Gretel. Le conte reprend la parole.
En 2005, Calais bâtissait un environnement précaire et labyrinthique en polystyrène taillé en tranches de gruyère. Et la lune est un fromage, titrait-il. Une autre souricière.

Voir

« Stéphane Calais, l’Amour », Crédac, 93, avenue Georges-Gosnat, Ivry-sur-Seine (94), tél. 01 49 60 25 06,
www.credac.fr, jusqu’au 9 novembre 2008.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : Stéphane Calais

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