Photographie

Mais qui êtes-vous vraiment, Sarah Moon ?

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 29 septembre 2008 - 582 mots

Brouillant les pistes, maniant l’ellipse et s’appliquant à ne pas rectifier les erreurs, la photographe se plaît à entretenir le mystère autour de sa personne. Comme si seules ses images comptaient.

Née en 1941, photographe depuis 1970 et réalisatrice de films depuis 1978 dont un long métrage, Mississippi One, en 1990. Inutile de chercher à en savoir plus sur Mariette Hadengue, dite Sarah Moon. Effacée, sans être absente, la photographe cultive la discrétion aidée par un sens aigu de l’art de l’ellipse. À la question de ses influences, par exemple, sa réponse est sans appel : « Je ne suis pas arrivée à ressembler à ceux ou celles que j’ai le plus admirés. Bien sûr, j’ai été influencée par tous ceux que j’aimais, mais sûrement aussi par ceux que je n’aimais pas. » Merci Sarah !, qui n’en dira cette fois encore pas plus, tenant assurément à rester un fantôme, un rêve aux contours aussi flous que ses images.

Des bribes d’une vie
Alors on tente de recoller les morceaux, du moins ce que l’on pense en être, et de donner un corps au pseudonyme de Sarah Moon.
Étudiante en école d’art, puis mannequin dans les années 1960, Sarah Moon est passée derrière l’objectif « en photographiant celles qui faisaient le même métier [qu’elle] ». Puis « je me suis prise au jeu », enchaîne l’artiste. D’aucuns racontent qu’un jour un agent, voyant un book réalisé par une inconnue pour une amie mannequin, aurait demandé qui en était la photographe. « Aurait », car l’anecdote n’est pas avérée mais, et peut-être est-ce le plus important, elle est fondatrice : la photographe serait née sous le signe du hasard, de l’accident, de la coïncidence…

La quête de l’imprévu
Le hasard, comme ce paon venu faire la roue tandis que Sarah Moon photographie Martha à Bagatelle un jour où « rien ne se passe » (Contacts n° 2, Arte vidéo). Le paon deviendra l’une de ses images iconiques. De tels instants – la rencontre d’un visage et d’un rayon de soleil, une mouette surgissant dans le viseur – font la joie de la photographe. « C’est un vrai cadeau quand ce n’est pas prévu », dit-elle.
Mais ces moments de grâce sont-ils réellement imprévus, tant ils sont attendus et recherchés ? « Si elle ne décide pas de l’image finale, raconte Didier Brousse, son galeriste, Sarah prépare toujours ses mises en scène de sorte à provoquer la magie. » Cette magie que seuls les enfants savent déclencher et qui propulse Sarah Moon dans l’univers illusionniste des contes de fées.

Autour de Sarah Moon

Publication. Sarah Moon, 1, 2, 3, 4 et 5, éditions Delpire, 486 p., textes français/ anglais de S. Moon, R. Delpire, A. Fleisher, M. Jauffret, D. Eddé et I. Suschitzky, 5 vol. et 1 DVD de Mississippi One, 120 euros. L’ouvrage, orchestré par Sarah Moon, retrace la carrière de la photographe, de ses premières années à la photo de mode en couleurs, en passant par les courts métrages des contes. Indispensable aux inconditionnels de la photographe.

Exposition. La galerie Camera Obscura à Paris exposera, du 23 octobre au 6 décembre 2008, 180 tirages de l’artiste réalisés pour l’impression du livre. Intitulée elle aussi « 1, 2, 3, 4 et 5 », l’exposition proposera des petits tirages de qualité, vendus entre 1 500 euros et 2 000 euros. L’occasion pour les jeunes collectionneurs d’acquérir des œuvres dont la valeur commence, pour les formats 30 x 40 cm, habituellement à 5 000 euros.

Thématiques

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°606 du 1 octobre 2008, avec le titre suivant : Mais qui êtes-vous vraiment, Sarah Moon ?

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