Images de l’Autre

L’année passée, indique Katérina Stenou pour souligner la part de « cruauté » de son propos, était déclarée « Année internationale de la tolérance ». Rappeler, comme elle le fait par l’image et le texte, les fondements xénophobes que secrète, entre autres, notre culture occidentale relève effectivement d’une forme de lucidité. A partir de la mythologie (« fortement extensible ») du monstre, l’auteur déploie donc un panorama richement illustré de la discrimination et de ses dérives racistes. Le monstre, en ce sens, c’est l’Autre : celui que l’on montre du doigt, qui fascine et dégoûte, mais dont on se distingue avant tout. Les sources littéraires et iconographiques dont se nourrit sa recherche explorent ainsi, d’un psautier du XIIIe siècle opposant un Christ bien blanc à la figure démoniaque de l’Ethiopien grimaçant jusqu’à l’image moderne d’un Alien de bande dessinée, toutes les déclinaisons – à leur tour monstrueuses – de l’invention de l’Autre. Toutes les occurrence, les résurgences, les persistances de ces stéréotypes de la différence conduisent à un réflexe conditionné de rejet. Ou pire, elles motivent une entreprise d’intégration qui, en elle-même, manifeste moins une conception égalitaire du monde
que la mansuétude hypocrite d’une communauté dominante à l’égard de ce qui lui est étranger. Ce mode particulièrement fécond de la conversion, écrit Katérina Stenou, induit en effet que, pour accéder
au statut d’humain, « l’étranger doit renoncer à ses spécificités et adopter les caractéristiques du groupe dominant ». Il apparaît en somme, avec une constance monotone, qu’une culture fondée sur la distinction, la classification, la hiérarchisation des valeurs et des individus aboutit invariablement à un processus de normalisation, d’uniformisation ou de purification ethnique dont on ne cesse, aux quatre coins du monde, d’observer la mise en œuvre tangible.