Figures peintes

L'ŒIL

Le 1 juillet 1998 - 480 mots

Rassemblés sous le titre de Figures peintes, ces textes de Jean-Louis Schefer sur la peinture sont, à l’exception du premier, le fruit de commandes.

L’auteur y répond, semble-t-il, avec ce même mélange « de liberté, de feinte désinvolture (de réelle élégance) » par lequel il dépeint la figure de Francis Bacon. Derrière la sollicitation – institutionnelle, amicale, ou procédant des deux – se dissimule ainsi un caprice : celui de l’auteur, non du commanditaire. L’ensemble des essais retenus – une quarantaine, datant en majorité de ces vingt dernières années – est ordonné chronologiquement, afin de préserver l’apparente disparité des œuvres commentées. Watteau, Cimabue, Klee, Poussin, Twombly, Matisse, Serrano... ne représentent que quelques-uns des artistes « majeurs » qui côtoient, au-delà de toute hiérarchie, des œuvres que l’on qualifierait ailleurs de « mineures ». Mais l’objet de l’ouvrage n’est pas de classer, et Jean-Louis Schefer ne tient pas à justifier son appartenance à une élite d’esthètes raffinés qui institue la norme en s’en défendant pourtant. Ses écrits, qui donnent à lire une pensée se questionnant au fil de son écriture, paraissent eux-mêmes inclassables et, pour comble, ne se livrent pas aussi aisément qu’une littérature artistique prémâchée. Echappant aux genres dominants, les essais de Schefer n’instrumentalisent pas la peinture au profit d’une « histoire de l’art » ou d’un système philosophique ou critique donné : « [...] toute une partie du discours contemporain sur LA peinture, me casse les pieds ; parce qu’il est assez peu contradictoire, rigide, et surtout qu’il procède de certitudes dont je ne vois pas le lieu (c’est un peu un discours dont les «protocoles» sont d’ordre politique, militant, et qui en vient, assez régulièrement, à supposer sa matière comme lieu de vérité) ». Peu importe, ici, le contexte spécifique de cette réflexion de l’auteur. Il demeure qu’un tel discours constitue LE discours sur LA peinture. C’est dans ce cadre que Watteau, comme tant d’artistes, « est devenu ce qu’on a dit de lui » (c’est-à-dire « un charmant papillotage »), que Warhol est regardé comme un artiste commercial à dominante « dandy futuriste » ou « homosexuel passif », ou que les œuvres de Serrano ou de Bacon se voient affublées d’un propos hystérique de circonstance sur le corps en souffrance. S’il le déjoue, Jean-Louis Schefer ne participe donc pas, même dans la marge, au discours ambiant sur la crise de l’image, de l’art, de la critique, etc. Son texte, dans sa singularité, n’esquisse
qu’une impossible histoire de la représentation du corps dans l’Occident chrétien ; qu’un « portrait mobile du monde » dont ce recueil ne serait, lui-même, qu’un fragment de fragment.

Jean-Louis Schefer, Figures peintes (essais sur la peinture), P. O. L., 445 p., 190 F ; Cinématographie, Objets périphériques et mouvements annexes, P. O. L., 101 p., 85 F ; Goya : la dernière hypothèse, éd. Maeght, 128 p., 20 ill. coul. 120 F.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°498 du 1 juillet 1998, avec le titre suivant : Figures peintes

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