Quand l‘Egypte était romaine

L'ŒIL

Le 1 octobre 1998 - 473 mots

Foin de l‘Égypte pharaonique, des gloires alexandrines ou des amours sulfureuses de la belle Cléopâtre ! Le Louvre explore cet automne une Égypte plus méconnue : celle des temples d‘Esna, de Kom Ombo ou Dendéra, aux effigies peu familières sous ces climats : Néron, Vespasien, Trajan, Septime Sévère... Rome étendit en effet son Empire aux rives du Nil à partir du Ier siècle avant notre ère ; une présence qui profitera aux échanges de toutes sortes et favorisera l‘émergence d‘une nouvelle égyptianité. Le musée parisien ressuscite les rituels funéraires de cette autre Égypte, avec, en guise de point d‘orgue, l‘étonnante galerie de portraits mortuaires du Fayoum à la présence hypnotique très contemporaine. Dans cette Égypte empreinte de romanité, les entreprises de pompes funèbres vont bon train. Leur prospérité doit largement à la démocratisation de la tradition ancestrale de l‘embaumement, une pratique à ce point ancrée dans la culture locale qu‘elle perdure contre vents et marées ecclésiaux pendant les premiers siècles du christianisme. Si l‘embaumement n‘est plus, comme autrefois, l‘apanage des élites, le niveau des prestations varie toutefois en fonction de l‘origine sociale et culturelle des commanditaires. À chacun selon ses moyens. Les moins fortunés bénéficient d‘un traitement minimum, et les taxidermistes, rentabilité oblige, n‘hésitent pas à bâcler le processus d‘embaumement. En témoignent les nombreuses momies parvenues en état de fatigue avancée aux archéologues. Quant aux familles les plus aisées, soucieuses de s‘attirer les bonnes grâces d‘Osiris et de bénéficier dans l‘au-delà d‘un confort à la mesure de leurs défunts appétits terrestres, elles ne regardent pas à la dépense : depuis les trois cents mètres de toile de lin nécessaires à la bonne conservation de la momie jusqu‘aux émoluments servis au talent des pleureuses professionnelles. Mais surtout, et c‘est une nouveauté, on leur propose désormais un choix diversifié de parures accompagnant la momie. Principalement des portraits, insérés entre les bandelettes au niveau du visage. Peints à la cire liquide sur une plaquette de bois, ils étaient probablement réalisés du vivant de leur commanditaire dont la physionomie est rendue, selon toute vraisemblance, avec la plus grande fidélité. Ici, un jeune homme d‘une maigreur excessive, aux yeux démesurément grands ; là une digne matrone au visage rond encadré de guirlandes de frisettes ; ou encore un vieillard aux allures d‘apôtre annonçant par son hiératisme la sévérité des icônes byzantines. En écho à cet ensemble du Fayoum s‘illustre la non moins fascinante série de masques plastrons en stuc de Touna el-Gébél – sur les rives du Nil –, dont les yeux, animés d‘une fine pellicule de verre, semblent regarder à jamais vers l‘Éternité, ce fleuve « allé avec le soleil ».

Musée du Louvre, 9 octobre-4 janvier, cat. éd. RMN, 216 p., 130 ill. dont 65 en couleur, 290 F. À lire également : Euphrosine Doxiadis, Les portraits du Fayoum, Visages de l‘Égypte ancienne, éd. Gallimard, 256 p., 274 ill. dont 124 en couleur, 550 F.

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°500 du 1 octobre 1998, avec le titre suivant : Quand l‘Egypte était romaine

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