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Par Christophe Domino · L'ŒIL

Le 1 novembre 1998 - 753 mots

Malgré le cliché un peu facile d’un Japon paradis de la haute technologie, les supports multimédia ne représentent pas plus qu’ailleurs un choix d’évidence pour les artistes japonais.

À cause d’une situation intérieure qui ne rend pas la vie facile aux créateurs contemporains, aggravée par les actuelles difficultés économiques, et marquée indépendamment de cela par une très forte dualité entre tradition et modernité. À Tokyo, à côté des banales vitrines « on line » des principaux musées, ce sont les projets d’art public qui occupent une partie du terrain, et d’autre part les initiatives de quelques compagnies impliquées dans la fabrication de matériel de création ou de diffusion de nouvelles technologies.
À l’instar de ce qui se passe en France, l’art public apparaît comme un tentant terrain d’affirmation de l’art contemporain face à la crainte de son manque de légitimité sociale. Le débat est ouvert mais n’est pas alimenté avec assez d’assiduité sur P3 qui cherche à réfléchir sur les relations entre art et environnement (http ://www.P3.org/) alors que c’est d’un projet achevé d’installation d’œuvres dans la cité que témoigne Public Art Project –Shinjuku-I-Land (http ://www.shinjuku-i-land.org/). Associant architectes, urbanistes, promoteurs et un consultant en art très ouvert sur le travail des artistes occidentaux, le projet a permis l’implantation d’une douzaine de propositions, dont celles de Daniel Buren ou de Sol LeWitt, très classiquement inspirés de Luciano Fabro, de Giuseppe Penone ou, moins attendu, de Robert Indiana. On y trouve aussi des propositions  d’artistes japonais, Katsuhito Nishikawa et Hidetoshi Nagasawa. Les œuvres sont présentées avec leur contexte de manière assez convaincante.    
Au-delà de la démarche de mise en valeur de l’opération elle-même, le site témoigne de la proximité de préoccupations de ce genre d’entreprise là-bas comme ici – sauf qu’au Japon, les choses peuvent se passer de l’intervention de la puissance publique.
Le laboratoire de la société Canon (http://www.canon.co.jp/cast/) est avant tout un lieu de recherche qui invite des artistes de toutes origines à des réalisations, sans se soucier systématiquement d’assurer la diffusion des projets. C’est là que fut réalisée Lovers, la pièce de l’artiste japonais Teiji Furuhashi, vue à la Biennale de Lyon en 1996, où des personnages nus semblaient se courir après autour de la salle. Des aperçus sur le travail de création d’images qui y est fait sont donnés en ligne, ainsi que sur la réelle ouverture multimédia du laboratoire, dans le domaine sonore par exemple, avec l’exposition « Sound Creature », présentée en octobre à Tokyo mais aussi sur le serveur.
Mais le projet le plus ambitieux à Tokyo demeure celui du centre Inter communication de la compagnie de téléphone NTT (http ://ntticc-org.jp/), qui est richement doté d’une collection permanente et qui produit des expositions temporaires, tout cela visible sur écran mais aussi dans leurs murs. Ainsi de l’exposition d’automne, qui voit, réinterprété par quatre artistes asiatiques, le mythe de la bibliothèque de Babel, un mythe que ravive l’internet. Si les reprises d’après Borgès et Bioy Casares des Japonais Katsuhiro Yamaguchi et Ryoji Suzuki demeurent illustratives, les réinventions calligraphiques et poétiques du Chinois Xu Bing et du Japonais Masao Kohmura jouent avec intelligence et liberté de la rencontre entre le processeur et le pinceau.
Les pièces de la collection permanente sont, elles, assez spectaculaires, dans leur dimension physique, d’autant qu’elles font appel à l’interactivité et à la 3-D. L’imaginaire scientifique alimente les installations comme Galápagos (1997, Karl Sims, États-Unis) qui propose au visiteur de choisir entre une dizaine d’écrans un modèle organique que l’ordinateur va faire graphiquement évoluer ; ou celle de Chriista Sommerer et Laurent Mignonneau qui permet au visiteur de rentrer dans l’espace de corpuscules eux aussi évolutifs. Le Juggler (1997, Gregory Barsaman, États-Unis) tient de la simple illusion électro-mécanique par décomposition d’un mouvement par éclairage stroboscopique. Le dispositif du Canadien Luc Courchesne n’offre d’intérêt que dans les quelques possibilités de choix narratifs laissés au spectateur devant une scène champêtre. Le morceau de choix demeure l’installation conFIGURING the CAVE (1997), qui a vu s’associer Agnès Hegedus (Hongrie), Jeffrey Shaw (Australie), Bernd Lintermann (Allemagne) et Leslie Stuck (États-Unis). Pilotée par un mannequin de bois articulé, modèle pour dessinateur à l’échelle 1, l’installation conduit le visiteur, chaussé de lunettes spécifiques, au centre d’un ballet de formes en trois dimensions qui est très spectaculaire. Si le propos reste mince, le potentiel du dispositif laisse rêveur. Quant à la mise en ligne des pièces de la collection, elle est très variablement convaincante, selon que les artistes ont ou non conçu cet aspect de leur proposition : le virtuel ne tient souvent pas à grand chose...

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°501 du 1 novembre 1998, avec le titre suivant : www.japan

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